Fakir
Fakir, le mot évoque beaucoup d’images en français, la plupart exotiques, inquiétantes ou drôles ; mais l’adjectif arabe faqir, dont il provient, ne signifie qu’une chose : pauvre. À la limite, il peut désigner le moine mendiant ou plutôt le derviche mendiant – ce qui est une redondance, puisque derviche signifie « humble, pauvre » dans les dialectes maghrébins. Derrière les murs des monastères de l’Inde ancienne se pratiquaient sans doute des prodiges inouïs et le moine mendiant prit de fait une dimension surnaturelle…
L’affaire devient plus intéressante quand on s’aperçoit que le verbe faqara, en arabe, signifie aussi « percer », « perforer ». Tiens ! La planche à clous sur laquelle s’étend le fakir ne serait pas loin ? Et pourtant il semble n’y avoir aucun lien entre le pauvre faqir arabe et les prodiges du fakir « français ». Peut-être la pauvreté était-elle perçue, à l’époque où l’arabe classique s’élaborait, comme quelque chose de lancinant – au sens exact du terme – quelque chose qui perfore ? Ne dit-on pas avoir les poches trouées ?
C’est donc en français, et seulement en français, que les deux sens de la racine arabe f-q-r se rejoignent : le pauvre hère et la planche à clous. Comme deux frères qui se seraient perdus de vue dans leur Arabie natale et se retrouveraient à Orly ou à Roissy, au hasard de leurs tribulations, tout étonnés de se trouver ensemble…
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