Dakar, le bon élève d’Afrique de l’Ouest

Appréciées des étudiants, qu’ils viennent de Côte d’Ivoire, du Burkina, du Gabon et même du Nigeria ou du Ghana, les trois écoles de commerce sénégalaises rivalisent désormais avec les meilleures business schools du Maghreb.

Publié le 29 avril 2009 Lecture : 4 minutes.

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Les meilleurs écoles de commerce du Maghreb

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« Venir à Dakar était la meilleure solution. Les études coûtent moins cher qu’en Europe ou en Amérique, il n’y a pas de tracasseries administratives et en plus il y a des écoles de qualité », explique Francel Bebanga, 22 ans, étudiant gabonais en deuxième année de gestion à l’Institut supérieur de management (ISM). Comme lui, ses camarades Ini, Kokou, Babacar… sont venus d’autres pays pour étudier au Sénégal, l’une des destinations favorites des jeunes Africains en quête de diplômes. Depuis la période coloniale, ce pays jouit d’une excellente réputation dans le domaine de l’enseignement supérieur. Et malgré des crises récurrentes au cours des trois dernières décennies dans le public – elles ont largement contribué à dévaloriser l’université de Dakar longtemps citée comme référence –, le Sénégal continue d’accueillir des centaines d’étudiants étrangers. Si dans l’enseignement supérieur public, ils ne représentent plus que 6 % des étudiants, ils sont six fois plus nombreux dans le privé : plus de 16 000 au total. Séduits par des écoles privées en plein développement depuis le début des années 1990, ils viennent des pays francophones, notamment du Gabon, de Côte d’Ivoire et du Burkina, et même anglophones (Nigeria et Ghana). Plus de quarante nationalités sont représentées.

La dévaluation du franc CFA intervenue en 1994 et la crise ivoirienne de 2002 auraient joué un rôle important dans le boom de l’enseignement supérieur au Sénégal. La première parce qu’elle a accentué le coût des études en Europe et contraint de nombreux parents à garder leurs enfants en Afrique. C’est donc pour répondre à une forte demande que beaucoup d’entrepreneurs se sont lancés dans l’aventure des écoles d’enseignement supérieur – au début de 2009, le pays en comptait une centaine, représentant un chiffre d’affaires global de 18 milliards de F CFA (27,5 millions d’euros) –, parfois au détriment de la qualité. Quant au conflit ivoirien, il a amené de nombreux étudiants à quitter Abidjan pour Dakar, qui offrait plus de sécurité.

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Des professeurs de Harvard

Dakar doit aussi sa réputation de capitale ouest-africaine de l’enseignement supérieur francophone aux opportunités professionnelles qu’elle offre. Des établissements comme le Centre africain des études supérieures en gestion (Cesag, créé en 1985), l’ISM (1992) et l’Institut africain de management (IAM, 1996) sont considérés par les étudiants comme des « passerelles » vers le reste du monde. Dans notre palmarès (voir tableau p. 126), ces écoles obtiennent d’ailleurs des notes qui leur permettent de se comparer de manière très honorable avec leurs consœurs ­d’Algérie, du Maroc ou de Tunisie. Au Sénégal aussi, les cours sont dispensés en français ou en anglais dès le premier cycle par des professeurs sénégalais et étrangers issus de l’enseignement ou des entreprises. Grâce à des accords avec les plus grandes universités, il y a même des enseignants qui viennent de la Harvard Business School américaine, de HEC Paris ou Montréal, ou encore de Paris-Dauphine. Et les diplômes délivrés aux étudiants du Sénégal, après quelques années d’études, sont équivalents à des diplômes français, canadiens ou encore américains, reconnus partout et de plus en plus recherchés par les multinationales implantées en Afrique.

Mais les préjugés ont la vie dure. « Il y a d’excellents éléments formés au Sénégal qui arrivent sur le marché du travail, reconnaît le directeur des ressources humaines d’une banque de Dakar. Cependant, ceux qui ne sont pas allés à l’étranger développent parfois des complexes vis-à-vis de leurs collègues issus des écoles occidentales. De même, dans les négociations salariales, certains DRH accepteront plus facilement les prétentions élevées d’un jeune venant de l’étranger. » En pleine expansion, le secteur bancaire africain offre de nombreux débouchés aux jeunes diplômés. Et c’est sans doute pourquoi 67 % des jeunes Sénégalais étudient l’économie ou la gestion, selon des statistiques du ministère de l’Éducation nationale.

Reste que les écoles ne peuvent pas garantir un emploi à tous leurs diplômés. « Ce que nous savons, c’est que nos étudiants ont un très bon niveau », indique le professeur Abdoulaye Diané, directeur des relations internationales à l’ISM. Dans cet institut, comme à l’IAM ou au Cesag, les admissions ne se font que sur concours. En 2008 par exemple, sur 700 postulants, 400 ont été pris à l’ISM, aujourd’hui le seul en Afrique de l’Ouest à proposer une classe préparatoire aux grandes écoles françaises qui soit reconnue par la Chambre de commerce et d’industrie de Paris. L’IAM est pour sa part le premier à avoir introduit le système d’évaluation nord-américain, basé sur le cumul de crédits permettant aux étudiants de ne plus redoubler.

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Anglais, Chinois, Pulaar…

Malgré leur succès, les établissements privés comme l’IAM (1 780 étudiants) ou l’ISM (3 500 étudiants) gardent les pieds sur terre et restent attentifs à l’évolution du monde. Leur objectif principal étant évidemment de former des jeunes en phase avec les réalités locales et internationales. C’est pourquoi les cours de japonais et de chinois ont été introduits. Et même les langues africaines ont trouvé une place dans les « grandes écoles sénégalaises ». « Nous proposons des cours de mandingue et de pulaar, qui sont parlés dans toute la sous-région, explique Moustapha Mamba Guirassy, président-fondateur de l’IAM. Nous savons que l’usage d’une langue comprise par la majorité facilite l’intégration commerciale, il est normal que nous offrions de tels cours. » Des innovations appréciées par les étudiants : « Nous vivons dans un village planétaire au sein duquel Dakar occupe une place importante. Et si un jour l’envie ou le besoin de partir nous prend, grâce aux accords entre nos écoles et les universités étrangères, c’est plus facile », soutiennent quelques étudiants à l’allure de jeunes « cadres sup’ » dans leurs uniformes impeccables…

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