Souleymane Bachir Diagne : « Passons à une Afrique qui parle pour elle-même et par elle-même »

Enseignant à la prestigieuse université Columbia, à New York, le philosophe sénégalais revient sur son expérience américaine.

Publié le 29 avril 2009 Lecture : 2 minutes.

Jeune Afrique : Diplômé de l’École normale supérieure de la rue d’Ulm et docteur en philosophie, vous avez réalisé l’essentiel de votre carrière à l’université Cheikh-Anta-Diop de Dakar. Depuis 2002, vous enseignez aux États-Unis, pourquoi ce choix ?

Souleymane Bachir Diagne : Pendant vingt ans, j’ai formé des étudiants et un tiers des futurs enseignants du département de philosophie de l’université Cheikh-Anta-Diop. La crise chronique que traverse cette dernière est telle qu’on finit par se sentir inutile. J’ai pensé que je serais plus utile à la philosophie sénégalaise aux États-Unis. Ici, j’ai accès aux meilleures bibliothèques avec des fonds de recherche des plus importants.

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Quel accueil avez-vous reçu ?

J’ai été accueilli à bras ouverts. J’ai découvert tout un univers différent et même un autre rythme de travail. Mais mon arrivée a été facilitée par l’université, qui s’est elle-même occupée de m’obtenir mon visa de travail.

C’est loin de ressembler à ce qui se passe en France…

Effectivement. Les universités américaines se nourrissent de manière permanente de l’immigration. À la Northwestern University de Chicago, où j’ai enseigné de 2002 à 2007, il y a un bureau international dédié à la question des démarches administratives. Il s’occupe de tout. C’est une politique délibérée des universités américaines. Elles cherchent à attirer les meilleurs étudiants et enseignants.

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Est-il important pour les étudiants africains-américains d’avoir des enseignants africains ?

Oui, plus il y aura des enseignants africains, meilleur sera l’enseignement de l’Afrique. Nous leur apportons une ouverture qu’ils n’ont pas pour le moment. Aujourd’hui, le continent est vu à partir de l’expérience africaine-américaine. Il est temps de passer à une Afrique qui parle pour elle-même et par elle-même. Et puis nous multiplions le nombre de professeurs noirs. Il y a là une dimension psychologique très importante : pour se construire, on doit avoir des modèles.

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Depuis que vous travaillez aux États-Unis, bénéficiez-vous d’une reconnaissance internationale plus importante ?

Au début de ma carrière, l’un de mes paris était de réussir à rester sur la scène internationale de la philosophie à partir de Dakar. Aujourd’hui, j’ai une visibilité plus grande, c’est vrai. Mais est-ce dû au cumul de mon expérience ou bien au fait que je sois aux États-Unis ? C’est difficile à mesurer.

 

Certains déplorent la « fuite des cerveaux » africains, qu’en pensez-vous ?

C’est vrai. Il y a une perte immédiate. L’Afrique a moins de moyens pour former ses étudiants. Mais c’est une tendance qui va durer et qui touche également les pays européens. C’est plus visible en Afrique parce que les moyens et les chercheurs sont plus rares. Mais il faut se demander comment tirer parti de la diaspora installée aux États-Unis. Il faut développer les liens, les accords, les réseaux et prendre exemple sur les diasporas chinoise et indienne. Elles ont toujours alimenté la recherche dans leur pays d’origine.

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