Ne me quitte pas
« Si tu te tais tu meurs ; si tu dis, tu meurs. Alors dis et meurs », disait l’homme de lettres kabyle Tahar Djaout, assassiné par les islamistes le 26 mai 1993, à l’âge de 39 ans. Les écrivains algériens ont payé un lourd tribut à la décennie noire et nombre d’entre eux ont pris le chemin de l’exil. « Nous vivions alors la peur au ventre », se souvient Mourad Djebel, architecte et romancier, réfugié en France. « Dans ce genre de situation arrive un moment où vous avez le choix entre prendre les armes ou quitter le pays », explique pour sa part Waciny Laredj, menacé par les islamistes. « Comme je ne voulais pas me battre, je suis parti. »
D’autres sont restés, « sans doute parce qu’ils n’ont eu pas d’autre choix que l’espoir », écrit Mohamed Kacimi, qui a coordonné l’édition 2003 des rencontres littéraires « Les Belles Étrangères » consacrées à l’Algérie. Dans une tribune publiée dans Jeune Afrique (n° 2359) en 2006, Boualem Sansal, auteur du magistral Le Serment des barbares (Gallimard, 1999), évoquait « l’exil intérieur sans fin » de ceux qui sont restés. L’Algérois Arezki Mellal, homme de théâtre et romancier, s’inquiète, pour sa part, du vide créé par le départ des élites. « Ce sont les imams qui ont gagné la bataille des idées », déclare-t-il. « J’attribue ce triomphe à la lâcheté de nos intellectuels, qui ont préféré bars et salons parisiens aux arènes algériennes. L’exil est un mythe qui enfonce l’Algérie dans un rapport colonial attardé… »
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