Du chaos urbain et de ses possibilités

La ville-province est sans conteste le cœur économique du pays. C’est toutefois dans l’informel que nombre de Kinois, diplômés ou non, trouvent de quoi survivre et créent leurs propres activités, via des milliers de microentreprises.

Publié le 28 avril 2009 Lecture : 4 minutes.

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Kinshasa au-delà des clichés

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Dès les premières lueurs du jour, Kinshasa s’anime. À sept heures, les rues sont déjà pleines. À huit heures, rien ne va plus. Embouteillages, gaz d’échappement, brouhaha… la ville suffoque et peste contre la lenteur des déplacements. Mais il faut bien aller travailler. Même si, ici, il n’est pas facile de trouver un boulot salarié. Bien que Kinshasa génère 30 % du produit intérieur brut (PIB) du pays, soit plus de 2 milliards de dollars – sans compter la valeur ajoutée du secteur informel, qui échappe aux statistiques –, la création d’emplois et de revenus dépend en grande partie de la débrouillardise des habitants. L’économie formelle, celle que l’on peut comptabiliser et fiscaliser, est dominée par les services, qui ont connu un boom au cours des dernières années. La branche des télécommunications et des nouvelles technologies de l’information a vu fleurir les compagnies de téléphonie mobile – et les antennes –, les cybercafés, les entreprises spécialisées dans le paiement par téléphone mobile ou la création de sites Internet. 

Tertiaire en plein essor et secondaire discret

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Le parc hôtelier s’est enrichi d’établissements de standing et d’une flopée de résidences hôtelières et guest-houses. Dans la foulée, des restaurants ont ouvert un peu partout. L’explosion de la demande en bureaux et en logements a profité aux entreprises du bâtiment et de l’immobilier. Sociétés de gardiennage, agences de communication, de formation et de recrutement ont, elles aussi, bénéficié de l’embellie générale.

Bien que sous-bancarisée, Kinshasa reste la première place financière du pays. Outre l’implantation de nouvelles banques, venues rejoindre leurs consœurs établies de longue date, le secteur s’est modernisé, sous l’impulsion de Procrédit, la banque des « petits », avec l’instauration des cartes de crédit, des distributeurs de billets, la diversification des produits et, bientôt, les services par Internet. Le secteur ne se cantonne plus à la chic commune de la Gombe et a ouvert des agences dans les quartiers populaires. Il n’a toutefois pas encore eu l’impact escompté sur le financement de l’économie. Même avec quatorze banques, le marché est loin d’être saturé, et la microfinance, qui vient de s’enrichir d’un nouveau venu, Advans (Horus Development Finance), a de beaux jours devant elle.

Parmi les pivots de l’économie urbaine, le commerce : marchés, boutiques ou simples étals, supérettes, chaînes de magasins, toute la gamme est là. On y vend de tout. Le ravitaillement de la gigantesque cité a favorisé la création de sociétés d’import et de transport routier et fluvial, qui sillonnent les routes et rivières du pays pour collecter les vivres et autres produits. Le transport, ainsi que les activités qui lui sont liées, tient une place importante (voir pp. 104-105). Kin compte deux aéroports, Ndjili et Ndolo, une gare ferroviaire (ligne ­Kinshasa-Matadi), un port fluvial et une soixantaine de petits ports privés, disséminés le long du fleuve Congo.

Le secteur secondaire est peu représenté dans la province. Laminée par les pillages de 1991 et 1993, l’industrie, fière autrefois de ses manufactures, à Kingabwa, ne compte plus que quelques unités agroalimentaires (brasseries, minoterie, yaourts, tabac), chimiques (plastique, savon, peinture) et de construction métallique. S’y ajoutent deux chantiers de construction et de réparation navales, quelques imprimeries et unités de transformation du bois, dont l’importante Société industrielle et forestière du Congo (Siforco), à Maluku. L’industrie textile a disparu et le complexe sidérurgique de Maluku est à l’arrêt. 

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Au royaume de la débrouille

Autant dire que le secteur formel ne fait pas vivre tout le monde. C’est dans l’informel que nombre de Kinois, diplômés ou non, trouvent de quoi survivre. Les micro-unités de production et de services qu’ils ont créées, individuelles ou familiales, rarement déclarées et fiscalisées, font tourner l’économie urbaine, procurant au passage emplois et revenus. Que serait Kin sans sa foule de boulangers, bouchers, restaurateurs, couturiers, coiffeurs, cireurs de chaussures, tâcherons, mécaniciens, cambistes, revendeurs de cartes de téléphone, taximen, transporteurs ? Sans oublier tous ceux qui la nourrissent.

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En effet, outre les denrées acheminées depuis les provinces du Bandundu, du Bas-Congo, de l’Équateur et de la ­Province-Orientale, Kinshasa dépend pour son approvisionnement de la kyrielle de maraîchères, d’agriculteurs, de pêcheurs et d’éleveurs, très présents dans les communes périphériques. Et même au cœur de la cité. En témoignent les parcelles cultivées qui bordent le boulevard Lumumba, à Limete. Pour survivre, les jeunes déploient des trésors d’imagination. La faillite des pouvoirs publics en matière d’assainissement a fait naître plus d’un métier : cureurs de caniveaux, ramasseurs d’ordures, collecteurs de cartons usagés, récupérateurs de vieux pneus… ont fait leur source de revenus des déchets qui, revendus, leur rapportent un peu de sous. La ville s’allégeant au passage d’une partie des ordures qui la défigurent.

L’essor des services, du bâtiment et des transports, qui font la croissance économique, doit beaucoup à la stabilisation du pouvoir d’achat – traduite par un besoin de consommer – et à la confiance retrouvée dans le pays. Un contexte qui a favorisé le retour et la venue d’investisseurs, ainsi que le rapatriement de l’épargne de la diaspora. Cependant, la croissance reste fragile, car les investissements réalisés ont surtout profité au tertiaire. Gare, donc, aux revirements de conjoncture. Mais Kin a plus d’un tour dans son sac pour ne pas perdre pied. Reste à faire émerger un tissu de PME-PMI structurées, capables de lui donner une base productive solide.

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