Radiographie de la capitale

Même si les partis n’y ont plus d’activités visibles, la plupart des quartiers de la ville ont le cœur qui bat pour l’opposition, surtout du côté du Mouvement de libération du Congo.

Publié le 28 avril 2009 Lecture : 4 minutes.

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Kinshasa au-delà des clichés

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Plus que toute autre ville du pays, la capitale de la République démocratique du Congo a toujours été à l’avant-garde du combat politique. C’est à Kinshasa, à l’époque Léopoldville, que fut publié, en 1956, par un groupe de chrétiens, le Manifeste de la conscience africaine, proposant un projet de société aux autorités coloniales belges. La capitale est surtout le lieu d’où est partie, le 4 janvier 1959, la remise en question, inattendue et populaire, de l’ordre colonial, à la suite d’un meeting interdit de l’Alliance des Bakongo (Abako), le parti de Joseph Kasa-Vubu. Les militants de l’Abako et d’autres habitants de la ville, déchaînés, s’en prennent à tous les symboles de la domination belge. Bilan de la répression : une centaine de morts.

Surprise par cette explosion de colère des indigènes, la Belgique choisit a voie de la raison en proposant des négociations avec la classe politique. À grand pas, le Congo se dirige vers son indépendance, qui sera proclamée le 30 juin 1960.

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Joseph Kasa-Vubu (nationaliste fédéraliste), le premier président du Congo – dont la région d’origine, l’actuel Bas-Congo, est proche de Kinshasa –, semble avoir fait de la capitale son fief. Même si la suprématie de ce dernier y est quelque peu bousculée par un jeune homme nouvellement installé dans la capitale après avoir quitté Stanleyville (Kisangani, capitale de la Province-Orientale) et qui n’est autre que son futur Premier ministre, Patrice Lumumba (nationaliste unitariste), assassiné en 1961.

Dans les années 1990, après l’ouverture démocratique, la soif de changement gagne tout le pays. À Kinshasa comme ailleurs, l’opposition a le vent en poupe. Surtout son aile radicale, représentée par l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), dont l’un des leaders s’appelle Étienne Tshisekedi wa Mulumba. Le radicalisme de ce dernier est tel que les Kinois, dans leur immense majorité, l’adoptent. Pour eux, il est, affectueusement, Ya Tshitshi (contraction de yaya, qui signifie, en lingala, la langue de la capitale, « grand frère », et de Tshisekedi), et ils placent en lui tous leurs espoirs. Au même moment, une autre formation politique, le Parti lumumbiste unifié (Palu) d’Antoine Gizenga essaie de se faire une place au soleil, bien que ce soit essentiellement sur des bases régionalistes.

En plus de la crise politique, ces années 1990, années de braise s’il en fut, sont marquées par une crise économique et sociale aiguë. Pour la première fois depuis 1959, Kinshasa est le théâtre de scènes de pillage qui portent un coup fatal à une économie déjà moribonde. Arrive 1996 et la guerre éclair, orchestrée par Kampala et Kigali avec la bénédiction de Washington, qui, en mai 1997, porte Laurent-Désiré Kabila au pouvoir. Kinshasa l’accueille à bras ouverts et s’épargne une guerre. Elle y échappe encore en 1998, alors que les troupes ougando-rwandaises sont à ses portes. Le nouveau président est assassiné en janvier 2001 et son fils, Joseph, est désigné pour lui succéder, à la grande stupéfaction des Kinois.

C’est en octobre 2006 que les Kinois ont l’occasion, à l’instar de tous les Congolais, d’élire leurs dirigeants, lors des élections présidentielle, législatives et provinciales. Plusieurs partis sollicitent leurs suffrages. Parmi les plus importants, en l’absence de l’UDPS déjà sur le déclin et qui a prôné le boycott des scrutins, on trouve le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), dont Joseph Kabila est le fondateur et le candidat, ainsi que le Mouvement de libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba, et le Palu d’Antoine Gizenga.

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Deux constats s’imposent. D’abord, on se rend compte du bouleversement de l’échiquier politique à travers la fragilisation des anciens partis et la montée en puissance des forces nouvelles. Ensuite, la capitale penche du côté du MLC, même si le Palu tente de le bousculer.

Si le parti de Bemba n’a pas de localisation géographique précise dans les 24 communes kinoises – en dehors, semble-t-il, des communes de Kinshasa, Barumbu, et du quartier Kingabwa, dans la commune de Limete – tel n’est pas le cas du Palu, qui est le seul parti véritablement organisé. Pour diverses raisons, liées notamment aux migrations successives de populations des provinces environnantes vers Kinshasa, ce parti, dont le leader est originaire du Bandundu (Ouest), est très implanté dans l’est de la ville. C’est-à-dire à Masina, Kimbanseke et Ndjili, des communes dites « rouges », « révolutionnaires » ou « patriotiques »… Le Palu est également présent dans les communes de Lemba et de Mont-Ngafula. Ses militants, contrairement aux autres, ont la particularité d’être, pour l’essentiel, issus de la province du Bandundu.

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Les formations politiques n’ayant quasiment plus d’activités visibles depuis ces dernières élections, il est difficile de mesurer leur degré d’implantation dans les différentes communes. Au vu des résultats des premier et second tours de la présidentielle de 2006, il est cependant apparu que la capitale avait jeté son dévolu sur un Kinois, Bemba. Le leader du MLC avait en effet obtenu 48,03 % des voix au premier tour (14,59 % pour Kabila) et 68 % au second tour (32 % pour Kabila) dans la capitale, considéré, à tort ou à raison, comme « plus nationaliste » que son adversaire, Joseph Kabila.

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