Bagdad by night
Cafés, bars, filles de joie, combats de coqs… La vie nocturne a repris ses droits dans la capitale.
Faites l’amour, pas la guerre ! À condition de préciser qu’il s’agit de l’amour tarifé, le fameux slogan ne détonne pas à Bagdad. L’un des signes du retour hésitant à la paix est en effet une certaine libéralisation des mœurs, qui ne va pas sans la réapparition de l’ordinaire débauche. Dans les rues, les sinistres tueurs d’Al-Qaïda cèdent le terrain aux filles de joie. Un reportage paru dans l’International Herald Tribune du 20 avril en donne une idée. Les débits de boissons fermés par les miliciens ont rouvert. Les boîtes de nuit prolifèrent. On en compte pas moins de dix sur l’avenue Saadoun. Le jardin public Abou-Nawas, déserté hier par crainte des attentats-suicides, est de nouveau un haut lieu des rendez-vous galants. Les cafés n’éteignent les lumières qu’à 2 ou 3 heures du matin, comme au temps de Saddam. Les hommes s’y adonnent à leurs interminables parties de dominos en inhalant la fumée sucrée des narguilés.
Les week-ends, le café Moustansiriya est plein à craquer. Dans l’arrière-salle, une centaine de spectateurs se bousculent pour assister… à un combat de coqs et pour parier sur leur gallinacé favori. Ils le font discrètement car les jeux d’argent sont en principe prohibés. Au bar Les nuits d’Abou Moussa, fréquenté seulement par les hommes, deux frères devisent devant un seau à glace et une bouteille de Mr. Chavez Whiskey, une gnôle locale. Jusqu’à présent, ils avaient l’habitude de boire chez eux, loin des regards. Un client optimiste : « Si la sécurité continue de s’améliorer, les serveurs seront bientôt des serveuses. » Les policiers, qui ont passé des années à éviter les kamikazes et les voitures piégées, sont blasés par les vices mineurs. Ils se réjouissent d’avoir affaire à des délits « normaux, comme partout ailleurs ». À Karada, un quartier de la capitale, le patron de la police se montre fataliste quant à la prostitution : « On ne peut l’empêcher. De toute façon, elle se manifeste uniquement dans les lieux isolés et secrets. » Pas tellement. Sur telle avenue, une demi-douzaine d’adresses. Le ticket d’entrée est de 50 dollars. Et comme les salaires n’excèdent guère 150 dollars par semaine, le client peut à peine s’offrir une consommation. Au club Ahlane Wa Sahlane, sur l’avenue Nidhal, officie une danseuse qui tient à se faire appeler « cheikha ». « C’est bien de voir les gens s’amuser à nouveau. » Les belles créatures sont disponibles. « Pour 100 dollars la nuit seulement », confie un habitué. L’une d’elles se donne 28 ans, mais ne doit pas en avoir plus de 18. Étudiante le jour, elle ne cache pas son métier nocturne. Pour aider sa famille ? « Non, pour moi. » La police secrète n’embête pas les filles. « Elles sont nos meilleurs indics sur Al-Qaïda et l’armée du Mahdi [la milice extrémiste chiite, NDLR]. » Le flic s’enhardit devant un journaliste américain : « Si je le pouvais, je détruirais toutes les mosquées et laisserais les putes prospérer. Elles, au moins, ne sont pas fanatiques ! »
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