Mir-Hossein Moussavi : « L’Iran peut être mieux dirigé »

Nucléaire, politique étrangère, relations avec le Guide suprême, orientation économique… Le candidat du camp réformateur à la présidentielle iranienne marque sa différence. Avec un luxe de précautions.

Publié le 28 avril 2009 Lecture : 5 minutes.

Financial Times : Vous avez récemment déclaré que vous poursuivriez la politique de détente avec l’Occident si vous étiez élu. ­Comment allez-vous vous y prendre avec les États-Unis sans faire de compromis sur le programme nucléaire de l’Iran ?

Mir-Hossein Moussavi : Le principe même de la détente, c’est de bâtir des relations de confiance. Le discours actuel, qui fait la différence entre la technologie nucléaire et les armes atomiques, est un bon discours. Plus cette différence est soulignée, plus la possibilité d’une détente est envisageable.

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L’Iran acceptera-t-il de suspendre l’enrichissement de l’uranium si vous êtes élu ?

Personne en Iran ne l’accepterait.

Vous non plus ?

Moi non plus. Le problème, c’est que la dernière fois que nous avons accepté une telle suspension, en 2003-2005, afin d’engager des pourparlers et lever tous les soupçons, cela s’est transformé en un moyen de priver l’Iran de tout accès à la technologie nucléaire. Cela laisse un mauvais souvenir…

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Alors comment comptez-vous vous y prendre pour apaiser les tensions ?

Le développement de la technologie nucléaire à des fins pacifiques est un droit pour tous les pays. Nous y sommes difficilement parvenus, avec nos propres moyens. Personne ne fera machine arrière. Mais il nous faut examiner quelles solutions – ou en d’autres termes quelles garanties – permettent de s’assurer que ce programme ne prend pas une dimension militaire.

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Quel type de solutions ?

Elles peuvent être définies lors de négociations techniques.

Jusqu’à quel point un président peut-il peser sur les décisions relatives au programme nucléaire étant donné que c’est l’ayatollah Ali Khamenei qui a le dernier mot ?

Ces décisions doivent nécessairement s’appuyer sur un consensus général à l’échelle nationale. Évidemment, le rôle du Guide suprême est déterminant.

À ce jour, aucune solution n’a été trouvée. Comment votre présidence pourrait-elle y aider ?

Le problème ne dépend pas seulement de nous. Il dépend aussi du discours des Américains et des objectifs qu’ils poursuivent. Plus ils seront réalistes et respectueux de l’Iran sur le sujet, mieux le terrain sera préparé pour trouver des solutions.

Vos relations avec l’ayatollah Khamenei ont été tendues par le passé. En sera-t-il de même si vous êtes élu ?

Les tensions à l’époque où j’étais Premier ministre (de 1981 à 1989) étaient liées à la structure du pouvoir politique. Elles ont été résolues par la révision de la Constitution en 1989. Désormais, le rôle du Guide suprême et ses relations avec les autres organisations et institutions, y compris les organes gouvernementaux, sont totalement clarifiés.

Comment s’est passée votre récente rencontre avec Khamenei ?

Elle a été très positive.

Votre candidature lui pose-t-elle problème ?

Aucun. Sa position est neutre concernant l’élection. Il l’a déclaré dans son discours de Mashhad, fin mars, et me l’a répétée. Nous avions déjà des contacts approfondis pour discuter de l’ensemble des questions en suspens, notre dernière rencontre ne pouvait qu’être fructueuse et positive.

Khamenei a-t-il des recommandations spécifiques ?

Non. Nous avons seulement abordé les problèmes du pays.

Avez-vous des points de désaccord dans des domaines particuliers ?

Non.

Ahmadinejad est-il un danger pour la République islamique ?

Il est le président et, pour cette raison, je le respecte. Ses opinions et son comportement sont certes critiqués, mais c’est normal dans un pays comme le nôtre, où les gens sont libres. Mais je ne pense pas qu’Ahmadinejad en tant que tel représente un danger.

Où voyez-vous des menaces alors ?

Je pense que le pays peut être mieux dirigé. On peut adopter des politiques financière, économique, culturelle et extérieure plus efficaces. En matière de politique étrangère, nous pouvons améliorer nos relations avec le monde, ce qui faciliterait le développement de notre pays.

Les détracteurs d’Ahmadinejad estiment que le pays connaîtra une crise s’il est réélu. Êtes-vous d’accord ?

Je ne souhaite pas dire ce genre de choses et n’aime pas user d’un langage aussi dur.

Pensez-vous avoir le soutien de Khamenei si vous êtes élu ?

Il est tout à fait normal que le Guide suprême soutienne un gouvernement issu des urnes.

Allez-vous essayer de concilier votre politique avec ses vues ?

Oui. Plus le pays se rapproche du consensus en ce qui concerne les questions clés, mieux il sera dirigé. Mais vous devriez aussi noter que l’une des plus importantes responsabilités du Guide est de ratifier et d’annoncer des politiques qui sont d’abord discutées par le Conseil du discernement, puis notifiées aux autres organisations.

Les jeunes ne vous connaissent guère. Pourquoi voteraient-ils pour vous ?

Les jeunes sont tout à fait libres de voter pour qui ils souhaitent. Je donnerai bientôt les détails de mon programme sur des sujets comme la culture et prendrai en compte leurs revendications, notamment en ce qui concerne le logement, l’emploi ou le mariage. Si les jeunes pensent que ma politique répond à leurs besoins, ils voteront pour moi, sinon, ils choisiront un autre candidat

Avez-vous une stratégie particulière pour les convaincre que vous êtes leur candidat ?

Il faut leur faire confiance. Je ne suis pas pessimiste comme certains. Des changements minimes dans leur apparence ne devraient pas nous conduire à penser qu’ils ont adopté une attitude antinationale. Nos jeunes sont des êtres honnêtes, bons et créatifs, fiers de leur passé et de leur riche culture.

Le monde des affaires n’a pas oublié que, dans les années 1980, vous aviez fait raser le bâtiment de la Chambre de commerce pour loger des réfugiés de guerre… Cela laisse certains dubitatifs sur votre politique économique.

Je ne me souviens pas du bâtiment auquel vous faites allusion. Nous ­n’avions pas de bonnes relations avec la Chambre de commerce, mais nous n’avons pas détruit leur bâtiment. Avec la fin du conflit Iran-Irak, les raisons de telles confrontations ont disparu. Je crois en un secteur privé fort et je pense qu’il faut faire bon usage de nos atouts sur le plan commercial.

Vous ne craignez donc pas de tensions avec le monde des affaires ?

Non. Nous avons besoin du secteur privé pour faire reculer le chômage. Il est impossible d’y parvenir au moyen des seuls investissements publics.

Quel est votre programme écono­mique ?

Le pays regorge d’opportunités. Le rôle du gouvernement pourrait être de le conduire vers une économie solide. Nous sommes allés trop loin dans l’ouverture aux importations. Cela doit être revu. Nous devons prendre des mesures importantes pour soutenir l’économie.

Allez-vous réduire les importations ?

On ne peut pas prendre une décision globale. Il faut d’abord déterminer dans quels secteurs ces restrictions s’imposent et sur quel laps de temps.

Quid des subventions publiques ?

Elles doivent être ciblées afin que l’on sache clairement à quoi elles servent. Elles doivent appuyer une économie forte, préserver nos ressources et soutenir les classes défavorisées. Leur réorientation doit se faire graduellement.

Quelles sont vos trois priorités en matière d’économie ?

Juguler l’inflation, faire reculer le chômage et améliorer le climat des affaires.

Comment allez-vous améliorer le climat des affaires ?

En facilitant les autorisations de création de nouvelles entreprises. De telles procédures sont actuellement très longues. Nous avons beaucoup de retard dans ce domaine.

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