La bataille de Tunis

Huit candidats sont sur les rangs pour décrocher la mégalicence de téléphonie fixe et mobile sur le marché par le gouvernement. L’heureux élu sera connu à la fin de mai.

Publié le 28 avril 2009 Lecture : 5 minutes.

Lancer un appel à concurrence, en pleine crise financière internationale, pour l’installation et l’exploitation d’une licence de télécommunications nécessitant des investissements lourds, voilà un pari risqué. L’Algérie et l’Égypte y ont renoncé fin 2008 pour ne pas s’exposer à un bide. La Tunisie, elle, a fait un autre choix, voyant certes dans la crise une source de dangers, mais aussi d’opportunités. À raison si l’on en juge par le niveau d’intérêt suscité par sa mégalicence pour l’installation et l’exploitation d’un réseau public pour la fourniture de services de télécommunications fixes et mobiles de deuxième et de troisième génération (2G/3G). Une vingtaine de candidats potentiels ont en effet retiré, en janvier, le dossier d’appel à concurrence. Huit d’entre eux (lire encadré), qui ont activement participé, en février et mars, au processus de questions et réponses en vue d’amender le projet de convention de licence, devraient remettre leurs offres le 5 mai.

La principale particularité de ce processus d’attribution est le haut degré d’implication des opérateurs privés tunisiens – une première dans le secteur des télécoms. L’opérateur de réseau étranger, outre le fait qu’il peut agir seul ou en consortium avec d’autres investisseurs pour remporter la licence, sera en effet tenu, selon des informations recueillies par Jeune Afrique, de constituer une société dont le capital devra être détenu à hauteur de 51 % par une personne morale ou physique tunisienne. Si bien qu’au cours des dernières semaines de nombreux grands groupes locaux ont été approchés par les candidats étrangers. Parmi eux, le groupe Mabrouk, qui contrôle Divona Télécom, seul candidat local, et qui aurait, selon nos informations, pratiquement conclu un partenariat avec France Télécom. Le Groupe Elloumi (câblerie) est, quant à lui, entré en discussion avec le chinois Pacific Century CyberWorks (PCCW).

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Fin d’un monopole

Le plan initial du gouvernement consistait à mettre sur le marché des licences de téléphonie fixe restreintes, mais il s’est ravisé à temps, le modèle économique n’étant pas viable, compte tenu des investissements lourds du fixe. En effet, l’attributaire devra tout de suite développer des infrastructures, de fibre optique notamment, pour lesquelles l’investissement est estimé à quelque 1 milliard de dollars. Il fallait donc appâter les opérateurs en leur proposant des formules qui, à côté du fixe, génèrent du cash dès la mise en service, comme c’est le cas dans le mobile. Comme on prévoyait d’attribuer une licence 2G/3G, décision a été prise d’anticiper et de proposer le fixe plus le mobile. Le gagnant sera ainsi, à la fois, le deuxième opérateur fixe, aux côtés de l’opérateur historique Tunisie Télécom (TT), qui perdra donc son monopole, et le troisième opérateur mobile, avec TT et le privé Orascom Telecom Tunisia (OTT), tous deux exclus de la compétition, précisément pour favoriser la concurrence. L’attributaire sera aussi le premier opérateur à introduire la 2G/3G dans le mobile tunisien et le premier réellement global, plus que TT.

Dans le dépouillement, le critère principal pour le fixe est l’offre technique, dans laquelle le soumissionnaire présente un plan de développement, d’investissement et de « zoning ». Ce plan bénéficie d’une pondération de 80 %. Une formule assez sophistiquée permet d’éliminer ceux dont l’offre technique n’est pas à la hauteur des attentes. Le gagnant sera l’un des candidats demeurés en lice, pourvu qu’il s’aligne sur le mieux-disant dans l’offre financière pour le mobile.

Les enjeux de l’opération sont de taille. Le gouvernement conçoit l’attribution de cette licence globale comme un moyen d’accroître la concurrence mais aussi de doter le pays d’infrastructures de télécommunications de dernière génération pour répondre aux besoins des entreprises et des investisseurs étrangers. C’est pourquoi cette licence sera tournée vers les réseaux du futur, intégrant fibre optique, très haut débit mobile et plates-­formes de services audio, vidéo et Internet. Le cahier des charges spécifie bien que la licence est technologiquement neutre et ouverte en termes de services et de choix d’infrastructures (fibre optique, ADSL, Wimax, CDMA) et qu’elle permet à l’opérateur qui la détient de commercialiser tout service de télécommunications fixes et mobiles. Dans le fixe, cela inclut les services de téléphonie, l’Internet, la transmission de données, le transport de signaux, les services en gros (wholesale) avec la vente de minutes ou la location de capacités, ce qui devrait, théoriquement, favoriser l’émergence de nouveaux opérateurs virtuels, comme c’est le cas en Europe. Dans le mobile, et outre la téléphonie, ces services sont notamment les messageries SMS et MMS, la visiophonie, l’Internet mobile, la messagerie multimédia et le contenu multimédia à haut débit mobile, ainsi que la vente en gros du trafic aux opérateurs et aux fournisseurs de services de télécoms.

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« Quadruple play »

Autant dire que le futur opérateur dispose ainsi d’un atout que n’ont pas ses concurrents. Le « troisième larron » a l’avantage d’arriver sur le marché au moment où la « convergence » dans les télécommunications devient une réalité avec le « quadruple play » : Internet, télévision, téléphonie fixe et mobile. C’est là que réside en premier lieu la croissance, qui se fera aux dépens des opérateurs en place malgré leurs bases de clients. Sur le fixe, il y a immanquablement des parts à gagner sur TT. Sur le mobile, le grignotage toucherait TT plus qu’OTT, commercialement plus agressif depuis son arrivée sur le marché en 2002 et qui se retrouve aujourd’hui à égalité, avec 50 % de parts de marché. L’arrivée de représentants de Tecom Dig (Émirats) dans le management de TT à la suite de l’acquisition par le groupe émirati de 35 % de l’opérateur national (pour 3,05 milliards de dinars) n’a pas permis d’enrayer cette perte de parts de marché. Et la crise financière internationale n’arrange pas les choses pour TT, dont l’avenir est aujourd’hui incertain puisqu’il est fort probable que le groupe émirati ne sera pas en mesure d’acheter les 16 % de parts qui lui permettraient d’avoir la majorité de 51 % dans TT en juillet 2009. Un atout supplémentaire pour le nouvel arrivant, au point que l’on se demande déjà si ce troisième opérateur n’est pas promis à devenir le premier. 

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