Pascal Affi Nguessan : « Le président Gbagbo passera haut la main »

À l’occasion d’une visite à Paris, l’ancien Premier ministre ivoirien nous a rendu visite. Il insiste sur la nécessaire sortie de crise et promet que le FPI au pouvoir restaurera « l’ordre et la discipline ».

Publié le 28 avril 2009 Lecture : 6 minutes.

Jeune Afrique : Les élections pourront-elles se tenir avant la fin 2009 ?

Pascal affi nguessan : Oui, si nous faisons les efforts nécessaires, nous devrions pouvoir les organiser au dernier trimestre de 2009.

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Récemment, une partie de la rébellion a demandé au Premier ministre, Guillaume Soro, de démissionner. Qu’est-ce que cela signifie selon vous ?

Ce sont les derniers soubresauts de quelques nostalgiques de la rébellion et des avantages qu’elle leur a procurés. Ce sont des manœuvres pour reculer l’échéance. Mais le Premier ministre a donné un message de réalisme et de pragmatisme.

Les « comzones » sont tout-puissants dans leur fief. Comment les convaincre de passer la main ?

Il ne faut pas considérer l’occupation illégale d’une partie du territoire comme un droit acquis qu’il faudrait compenser. S’ils restent dans une logique de droit acquis et qu’ils refusent de céder, c’est que l’on s’engage dans un bras de fer qui peut déboucher sur des conséquences imprévisibles.

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Le recensement des électeurs est quasiment terminé. La prochaine étape est la révision des listes. Pensez-vous qu’il y a matière à contestations ?

Bien sûr, car il y a eu beaucoup de fraudes. En dehors même du processus d’identification, il y a toujours eu beaucoup de fraudes sur la nationalité et l’identité. Il appartiendra au traitement informatique de relever tous les cas litigieux…

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Quel rôle voyez-vous pour les Jeunes patriotes pendant cette campagne et pour leur mentor, Charles Blé Goudé ?

Ils doivent poursuivre la lutte qu’ils ont entamée depuis 2002. Mais elle a changé de nature, elle est maintenant électorale. Il faut qu’ils s’adaptent et s’investissent dans la mobilisation électorale.

La Fesci est proche du FPI et dans le même combat. Elle agit aujourd’hui comme une mafia. Avez-vous l’intention de mettre un peu d’ordre ?

Ce n’est pas à nous de dicter la conduite de la Fesci. Nous maintenons le contact car c’est une force sociale importante. Il faut l’aider à surmonter si nécessaire un certain nombre de dysfonctionnements internes et à promouvoir une nouvelle ligne politique pour le mouvement. Nous sommes ouverts et disponibles pour cette tâche.

Certains disent que la dispersion des forces, la création de petits partis, comme celui de Stéphane Kipré, affaiblissent le FPI ?

Cela n’affaiblit pas le FPI mais oblige le parti à prendre en compte le fait qu’il n’est pas seul, qu’il faut composer et coopérer. Cela limite peut-être la liberté de décision du FPI. Il faut associer toutes les énergies pour améliorer la cohérence de l’action électorale et du discours politique.

Quels seront les thèmes de campagne ?

La paix, la sécurité et le progrès. Pour un pays qui sort de crise, la principale préoccupation c’est la stabilité et la sécurité des personnes et des biens. L’autre aspect, c’est restaurer la prospérité économique, relancer les programmes sociaux majeurs, comme l’assurance maladie universelle et l’école gratuite. Et puis, il faut redorer le blason de la Côte d’Ivoire à l’extérieur.

Dans l’optique d’un second tour, vous préféreriez un face-à-face de Gbagbo avec Bédié ou avec Ouattara ?

Dans tous les cas de figure, le président Gbagbo passera haut la main. Au premier tour. Si d’aventure il y avait un second tour, ce ne serait qu’une formalité quel que soit celui qui est en face.

Vous arrivez à ces élections avec le bilan d’un long mandat marqué par plusieurs scandales et le lancement d’une opération « mains propres ». N’est-ce pas un aveu d’échec ?

Non. Cette situation est le fruit du désordre installé par la rébellion, les dérapages sont à remettre dans un contexte de crise. C’est pour cela qu’il faut reconduire le FPI et le président Gbagbo pour restaurer l’ordre et la discipline.

Pourquoi le président a-t-il pris autant de temps pour s’attaquer à un dossier aussi important ?

Il y avait plusieurs niveaux de priorités. Il fallait d’abord que le président arrive à « neutraliser » la rébellion et reprenne en main le processus de sortie de crise. Si votre maison brûle et que quelqu’un est en train d’y déverser des ordures, ce n’est pas nettoyer les ordures qui sera votre priorité, c’est éteindre le feu.

Les gens qui sont actuellement en prison ou interrogés dans le cadre de l’opération « mains propres » sont de votre camp…

Bien sûr, mais, dans ce genre de situation, il faut montrer sa bonne volonté en balayant d’abord devant sa porte. Au fond, la Côte d’Ivoire ne peut pas avancer avec un gouvernement d’union nationale, il faut y mettre fin le plus vite possible. Sinon, le pays ne sera pas à l’abri d’autres scandales. Car il y a une sorte d’immunité liée à la situation. Par exemple, si je suis militant ou cadre du RDR, je sais que seul le RDR peut décider de me sanctionner. Pour des raisons politiques, on ne peut pas s’attaquer à moi. Comment voulez-vous que ça puisse fonctionner ?

C’est valable aussi pour le FPI ?

Oui, c’est valable pour eux aussi.

Est-ce parce qu’il y a un gouvernement d’union que le président s’entoure d’une sorte de gouvernement bis fait de conseillers ?

Dans ce contexte, le président est obligé de monter au créneau sur beaucoup de dossiers parce qu’en face il n’y a pas une équipe qui puisse servir d’amortisseur. Il doit parfois arrondir les angles quand il est obligé d’évincer des cadres du parti pour faire plaisir à la rébellion, au nom de la paix. Pour ceux-là, il faut pouvoir trouver des compensations. La présidence devient une sorte de sécurité sociale. La crise fait que toutes les institutions sont dénaturées.

La première dame, Simone Gbagbo, a accepté d’être entendue à Abidjan par le juge français Ramaël dans l’affaire de la disparition du journaliste, Guy-André Kieffer. Est-ce que cette affaire empoisonne toujours les relations avec la France ?

Les autorités politiques sont condamnées à laisser la justice agir. La Côte d’Ivoire ne peut s’en prendre aux autorités françaises. Si on n’a pas de preuves que les juges sont manipulés pour nuire à la Côte d’Ivoire, il faut considérer que la justice fait son travail, en toute indépendance. Les personnes concernées ont le devoir, l’obligation, de déférer à ses questions.

Comment voyez-vous les futures relations avec la France ?

Il faut des relations équilibrées, dénuées de tout paternalisme, respectueuses de la dignité et des intérêts réciproques, une coopération qui s’intègre dans la mondialisation. La France ne doit pas prendre ombrage de la présence ou de relations avec d’autres puissances.

La Chine s’est fait une spécialité d’aider les pays en sortie de crise, elle fait déjà quelques appels du pied, qu’en pensez-vous ?

C’est une très bonne chose que la Chine s’intéresse à nous. Ce qui est important c’est de bien gérer cette coopération pour ne pas répéter les erreurs du passé.

C’est la première fois que vous êtes dans une élection très ouverte. L’influence du FPI n’est-elle pas limitée par son ancrage régional à l’Ouest ?

Nous avons progressé dans les autres régions. Et c’est d’ailleurs pour cela que le régime a tenu. Si le FPI était le parti des Bétés, Gbagbo n’aurait pas pu résister, il serait tombé, comme Bédié est tombé en 1999.

Est-ce que le FPI ne souffre pas d’un péché originel : les élections ratées de 2000 ?

Nous considérons cela comme une étape de l’histoire du pays. Comme aujourd’hui la situation de la rébellion est une autre étape de l’histoire. La Côte d’Ivoire est en transition, elle est en train de liquider ses démons du passé et de construire une nouvelle société démocratique et moderne.

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