Homosexualité : libres, ou presque
Le 20 avril, la nouvelle de leur libération s’est répandue comme une traînée de poudre. Il y a quatre mois, l’annonce de leur condamnation à huit ans de prison ferme pour « actes contre nature et association de malfaiteurs » avait suscité l’indignation des défenseurs des droits de l’homme, et même du président français, Nicolas Sarkozy, qui avait fait part de son « émotion » et de sa « préoccupation ».
Les neuf condamnés, par ailleurs militants de la lutte contre le sida, doivent surtout leur salut à la détermination de leurs avocats, qui ont dénoncé un vice de procédure. Ils avaient été arrêtés à Sicap Mbao, à la périphérie de Dakar, au cours d’une opération de police menée sans mandat dans un lieu privé, de surcroît hors des heures légales, suite à des dénonciations de voisins soupçonnant des activités « louches ». Cela a suffi pour entraîner l’annulation de tous les procès-verbaux dans lesquels les accusés avaient, semble-t-il, reconnu leur homosexualité sous la contrainte.
« Ils ont été victimes de violations des droits à la défense et d’atteinte à la vie privée », explique l’un des avocats, Me Assane Dioma Ndiaye, également président de l’Organisation nationale des droits de l’homme du Sénégal (ONDH). Selon lui, après cette « victoire de la justice, il y a de fortes chances que l’affaire soit oubliée ».
Cela ne signifie pas pour autant que Diadji, Aboubacry, Cheikh et les autres vont désormais couler des jours paisibles. Immédiatement après leur libération, ils ont été embarqués à bord d’un minibus vers un lieu gardé secret. Direction : la Petite Côte, à une centaine de kilomètres de Dakar. Leur relaxe a fait de nombreux mécontents, notamment dans les milieux religieux. Cette « mise au vert » aurait été organisée par l’ONG Enda, qui les a soutenus durant tout le temps de leur détention.
Le Sénégal n’est pas le seul pays où l’homosexualité reste un tabou. Le 6 mars dernier, plusieurs milliers de Burundais manifestaient à Bujumbura, à l’appel du parti présidentiel, pour réclamer la criminalisation de l’homosexualité. Plusieurs États ont adopté des lois extrêmement répressives. Début avril, le ministre ougandais de l’Éthique est monté au créneau pour dénoncer « certains États membres des Nations unies qui veulent imposer l’homosexualité dans le monde ». Il faisait référence à la déclaration de l’ONU du 18 décembre 2008 sur la « décriminalisation universelle de l’homosexualité ». Un texte vivement soutenu par Rama Yade, la secrétaire d’État française chargée des Droits de l’homme, mais qu’en Afrique seuls trois pays – le Cap-Vert, la Guinée-Bissau et le Gabon – ont signé.
Malgré l’homophobie quasi généralisée en Afrique subsaharienne et au Maghreb, les homosexuels du continent tentent tant bien que mal de se faire une place dans la société. L’Afrique du Sud, seul pays à organiser un défilé pour l’annuelle Gay Pride, autorise les mariages homosexuels. Même si le nouveau président Jacob Zuma, un polygame, a rappelé que dans sa jeunesse on « cassait la figure » des « homos », la Constitution protège cette communauté.
Des progrès ont été amorcés en Afrique francophone, où quelques pays, dont le Cameroun et la République démocratique du Congo, ont célébré timidement, le 17 mai 2008, la Journée internationale contre l’homophobie. En octobre 2008, l’association gay algérienne Abu Nawas a fêté son deuxième anniversaire. Et, le 9 avril dernier, c’est la communauté homosexuelle d’Éthiopie qui a décidé de se réunir en dépit des appels lancés par les Églises orthodoxe, protestante et catholique en faveur d’un renforcement des peines – six mois de prison pour le moment.
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