Union africaine : Jean Ping, an I
« Les chefs d’État avaient besoin d’un fonctionnaire à la tête de l’Union africaine… ils l’ont trouvé ! » grince un proche d’Alpha Oumar Konaré. Un an après son arrivée à la tête de la Commission de l’UA, Jean Ping sait que la vieille garde de son prédécesseur lui reste hostile, mais il n’en a cure.
Avec son petit sourire en coin, il aime à dire : « Mon style, c’est peut-être parler un peu moins, mais c’est agir. » Est-ce un héritage de son père, un forestier chinois installé au Gabon dans les années 1940 ? Jean Ping, c’est l’homme courtois, toujours disponible, jamais énervé. Et, aussi, un caractère bien trempé. À 67 ans, l’ancien ministre des Affaires étrangères d’Omar Bongo Ondimba veut couper le cordon ombilical.
Avec Ping, pas d’envolées lyriques à la tribune de l’Union africaine. Alpha Oumar Konaré, lui, faisait vibrer une salle. Au sommet Europe-Afrique de Lisbonne, en 2007, ceux qui l’ont écouté ont vraiment eu l’impression de vivre en direct un moment d’Histoire… Son successeur est conscient qu’il n’a pas les mêmes talents de tribun. Alors, le diplomate se concentre sur le travail à la Commission. « Depuis un an, c’est vrai que les dossiers sont mieux suivis, avec un responsable pour chacun d’entre eux », observe un fonctionnaire de l’UA à Addis-Abeba. « À la Commission, Konaré, c’était un peu le roi au milieu de ses serviteurs. Ping consulte davantage. »
Kadhafi « roi des rois »
Apparemment, le principal problème de Jean Ping est la cohabitation avec Mouammar Kadhafi, le très remuant président en exercice de l’UA. Dès le sommet d’Addis-Abeba, en février dernier, le patron de la Commission a dû marquer son territoire. À la Conférence, le « Guide » libyen s’est attribué le titre de « roi des rois traditionnels d’Afrique. » Aussitôt, le Gabonais a laissé passer une motion de l’Ouganda dénonçant « l’intervention du soi-disant représentant des rois traditionnels d’Afrique en violation du règlement intérieur ».
Deux mois plus tard, nouvelle passe d’armes. Le numéro un libyen veut être invité au G20 de Londres. Mais quelques jours avant le sommet, Jean Ping rencontre discrètement le secrétaire d’État britannique Mark Malloch Brown. Résultat : il assistera à la conférence en compagnie du Premier ministre éthiopien, Mélès Zenawi, représentant du Nepad. Pendant ce temps, le colonel Kadhafi ronge son frein à Tripoli…
Au-delà des querelles de protocole, les deux hommes ont une vraie divergence de fond. Kadhafi estime que « les coups d’État sont parfois l’expression de la volonté populaire ». Il soutient ouvertement la junte au pouvoir à Nouakchott. Ping, au contraire, veut mettre fin à l’épidémie de putschs en Afrique. En huit mois, il a fait exclure trois pays des activités de l’Union : la Mauritanie, la Guinée-Conakry et Madagascar. Commentaire d’un diplomate d’Afrique de l’Ouest : « Bien sûr, pour Ping, ce n’est pas facile à gérer. Mais, au sujet de ces trois pays, il a le soutien du Conseil de paix et de sécurité de l’UA. Et, dans cette affaire, c’est Kadhafi qui est isolé. »
En fait, pour Jean Ping, le véritable écueil se trouve justement du côté des quinze États du Conseil de paix et de sécurité (CPS). Le 2 mars, à Bissau, le président Nino Vieira est sauvagement assassiné par des militaires. Le même jour, à Addis-Abeba, le président de la Commission dénonce un « coup d’État ». Le lendemain, il est démenti par le CPS, qui, réuni en urgence à Addis sous la présidence du Burkina Faso, estime que l’ordre constitutionnel est maintenu en Guinée-Bissau… « Belle tartufferie ! réagit un responsable politique d’Afrique de l’Ouest. Lors du coup d’État de 2005 au Togo, le bulldozer Konaré a foncé. Certes, Ping n’est pas un ancien chef d’État, mais on aimerait bien qu’il fasse entendre la voix de la Commission. »
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