Moncef Bey, protecteur des juifs

Par Adnan et Saadeddine Zmerli (héritiers de Sadok Zmerli)

Publié le 21 avril 2009 Lecture : 3 minutes.

Le comportement de Moncef Bey avec la communauté israélite a eu peu d’échos dans le passé, nous semble-t-il. Aussi, pour avoir nous-mêmes connu Moncef Bey et avoir été les témoins particulièrement attentifs de toutes les péripéties survenues au cours de son règne (19 juin 1942-13 mai 1943), nous avons jugé opportun de lui rendre justice.

« Un souverain courageux, loyal et chevaleresque. » C’est ainsi que notre père Sadok Zmerli décrivait Moncef Bey, dont il a été tout à la fois un des amis intimes, un des conseillers les plus fidèles, la plume et le directeur du protocole. Cette conviction, il l’a exprimée dans son livre Espoirs et déceptions en Tunisie, 1942-1943 (Maison tunisienne de l’édition, 1971).

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Juste après son intronisation au cours d’une cérémonie officielle, bien avant l’occupation de la Tunisie par les troupes de l’Axe, Moncef Bey appelle Me Albert Bessis pour le faire asseoir à ses côtés, attitude que l’on est en droit de considérer comme ouvertement réprobatrice des lois raciales en vigueur. Quelques jours plus tard, il déclare solennellement aux délégations des communautés juives venues lui rendre obédience qu’il ne fera aucune distinction entre ses enfants musulmans et israélites. Cette déclaration suscite l’espérance chez les israélites et jette la consternation dans les milieux racistes et le doute dans l’administration coloniale.

En intervenant personnellement auprès du résident général de France, l’amiral Esteva, et auprès des services concernés, par l’intermédiaire de son frère, le prince Hassine, et de son directeur du protocole, Moncef Bey manifeste clairement son opposition à l’application des lois iniques de Vichy contre les Juifs.

En agissant ainsi et en le faisant savoir, il souhaitait certes redorer le blason de la famille husseinite sali par son prédécesseur qui avait avalisé l’instauration des lois raciales de Vichy en Tunisie, il voulait également faire entendre raison à des sujets susceptibles d’être induits en erreur par une propagande lancinante et fallacieuse. Et, surtout, il était guidé par l’impérieux devoir d’aider, de secourir et de protéger une communauté tunisienne exposée à tous les périls.

En octobre, il reçoit Hooker Doolittle, consul général des États-Unis ; le ministère des Affaires étrangères en France est aussitôt avisé, par un télégramme chiffré parti de la Résidence, de la rencontre, des intentions politiques et démocratiques de Moncef Bey et de la présence de nombreux et influents médecins juifs à la cour beylicale.

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Pendant l’occupation allemande et à partir de la constitution du gouvernement Chenik, la décision de Moncef Bey de protéger la communauté israélite a été à la fois collégiale et étatique. L’ensemble du gouvernement sans exception, des membres de la famille beylicale et de hauts fonctionnaires y ont solidairement contribué.

L’amiral Esteva ayant outrepassé ses prérogatives en prenant unilatéralement des décisions à l’encontre de la communauté israélite, le gouvernement Chenik utilisera tous les moyens dont il dispose pour les entraver.

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À l’annonce de la défaite des troupes de l’Axe, un vent de panique a soufflé sur la communauté juive tunisienne, qui craignait le pire et anticipait déjà des actes inconsidérés de la part des troupes allemandes au cours de leur retraite vers le cap Bon. Il se développa alors un mouvement de solidarité exceptionnel dont la ­Tunisie peut s’enorgueillir. Un grand nombre de familles musulmanes n’ont pas hésité à ouvrir leurs portes et à accueillir chez elles pour les protéger leurs concitoyens et concitoyennes de confession israélite. Meyer Zakine, notre soutien scolaire pendant nos études primaires, a trouvé refuge chez nous, à Hammam-Lif. Ces faits n’ont pas été souvent rapportés, probablement par pudeur.

Déposé, sans égard et illégalement par l’autorité française du protectorat chargée d’assurer sa protection et celle de la famille husseinite, Moncef Bey fut conduit, sans ménagement par le général Juin, alors résident général par intérim, à l’aérodrome d’El-Aouina pour un exil en Algérie puis à Pau en France. C’est dans cette ville que des représentants de la communauté juive d’Alger, conduite par leur grand rabbin, sont venus rendre visite à Moncef Bey pour le remercier de la bienveillance et de la protection qu’il a accordées aux juifs tunisiens pendant l’occupation allemande. Un témoignage de gratitude qui confirme, s’il en était besoin, le digne comportement d’un souverain loyal vis-à-vis de tous ses sujets, sans exception.

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