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Un an après la mort d’Aimé Césaire, plusieurs ouvrages et un timbre-poste célèbrent le chantre de la négritude.

Publié le 21 avril 2009 Lecture : 2 minutes.

À l’occasion du premier anniversaire de la disparition d’Aimé Césaire, décédé le 17 avril 2008, La Poste française édite un timbre à son effigie. Et RFI et les Éditions Textuel éditent sous la forme d’un livre audio son fameux Discours sur le colonialisme.

Après son épique Cahier d’un retour au pays natal, ce réquisitoire contre l’Occident qui a détruit, exploité, asservi au nom de sa mission civilisatrice, est sans doute l’ouvrage le plus connu d’Aimé Césaire. Or civilisation et colonisation sont incompatibles, écrit Césaire, que la voix majestueuse d’Antoine Vitez fait résonner avec force dans ce CD accompagné d’un commentaire de l’universitaire Daniel Delas sur la genèse et l’actualité de ce texte.

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Rappelant le contexte des guerres coloniales dont il est issu, Daniel Delas cite Aimé Césaire : « C’est un écrit de circonstance. Ce que j’y ai dit, je le pensais depuis longtemps. Un jour, une revue de droite me demande un article sur la colonisation, une revue qui croyait que j’allais faire l’apologie de l’entreprise coloniale. Comme on insistait, j’ai répondu d’accord mais à condition de me laisser dire tout ce que je pensais. Réponse affirmative. Alors j’ai mis le paquet et j’ai dit tout ce que j’avais sur le cœur. »

Paru pour la première fois en 1948 dans la revue Chemins du monde, avant d’être publié dans sa version définitive en 1955 par Présence africaine, ce texte est un cri de colère, celui d’un descendant d’esclaves contre la colonisation. Il traduit aussi la frustration et la révolte de l’homme politique qui, depuis 1945, représente la Martinique à la Chambre des députés à Paris. Et qui se bat, au début de son mandat, pour l’évolution du statut administratif de son île (départementalisation) et pour l’amélioration du sort de son peuple. Un combat âpre qui le met en ligne de mire du lobby colonialiste, qui s’était renforcé au sortir de la guerre et s’opposait à toute évolution des colonies. Césaire écrit dans le Discours ce qu’il n’arrive pas à dire à la tribune de l’Assemblée nationale.

Construit comme une oraison politique, passant sans cesse du pathos au grotesque, du lyrique au comique, le texte se moque des défenseurs du colonialisme (parlementaires, intellectuels, écrivains). Et ose rapprocher les pratiques coloniales de celles des nazis. Ce que l’Occident ne pardonne pas à Hitler, écrit-il, c’est « d’avoir appliqué à l’Europe des procédés colonialistes dont ne relevaient jusqu’ici que les Arabes d’Algérie, les coolies de l’Inde et les nègres d’Afrique ».

Plus d’un demi-siècle après sa parution, ce texte demeure d’actualité car le débat qu’il a inauguré est au cœur de la vie politique et intellectuelle française. Le pays des droits de l’homme a voulu, en 2005, inscrire dans la loi du 23 février le « rôle positif de la présence française outre-mer ».

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Et dans un perspicace travail de mise en regard, Daniel Delas oppose le fameux discours que Nicolas Sarkozy a prononcé à Dakar, en 2007, au Discours sur le colonialisme. Sous la péroraison présidentielle justifiant la colonisation apparaît en interstices le réquisitoire poétique, subverti, dénaturé, sentimentalisé. « Là où Césaire parlait de crimes et de “tas de cadavres”, explique Delas, Guaino-Sarkozy parle de torts (“ils ont eu tort”) et d’erreurs (“ils se trompaient”), ajoutant une louche de sentimentalisme (“ils croyaient donner l’amour”) »…

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