Roberto Fierro Bozzo
Ethnomusicologue chilien
Jeune Afrique : L’histoire des Noirs du Pérou remonte à la conquête espagnole…
Roberto Fierro Bozzo : Les tout premiers esclaves noirs ont été amenés par Francisco Pizzaro dans sa conquête du Pérou à partir de 1526. Puis, très vite, du fait de l’extermination des Indiens de la côte, les Espagnols eurent recours à la traite négrière. Au fil de la colonisation, différentes catégories généalogiques ont été créées par un système fondamentalement ségrégationniste : Blancs, Indiens, Noirs, mulâtres (métis de Blanc et de Noir), cholos (métis de Blanc et d’Indien) et zambos (métis d’Indien et de Noir).
La musique afro-péruvienne est-elle le reflet de cette société ?
À l’origine, les Noirs essayaient de retrouver leurs habitudes ancestrales en se regroupant tous les dimanches sur les diverses places de villes ou de villages où ils s’adonnaient à des danses accompagnées de tambours. Mais ces rassemblements furent vite interdits par l’Église et, à la fin du XIXe siècle, les dieux africains étaient définitivement morts au Pérou. De plus, l’usage du tambour fut interdit dans les plantations et il était presque impossible d’en fabriquer sur cette côte aride dépourvue de forêts. C’est ce qui explique, en partie, que les Noirs eurent recours à toutes sortes d’objets utilitaires pour faire de la musique et des rythmes.
Cette musique semble très marquée par la christianisation des Noirs ?
En effet. Et pour christianiser les Noirs, l’Église alla jusqu’à créer des fêtes de saints noirs, comme celle San Martín de Porres par exemple, et des confréries noires. Ces confréries, peu à peu, échappèrent au contrôle de l’Église. Mais d’une manière générale elle utilisa le goût des Africains pour les cérémonies publiques, les processions, la danse et la musique au profit du culte catholique. Les Noirs ont ainsi été associés aux fêtes de la Nativité où ils dansent le « paseo de los negritos » autour de la crèche. Pour le Corpus Christi, ils suivaient la procession déguisés en diables. Dans les années 1930, la musique des Noirs de Lima commença à disparaître avant de renaître, une première fois, dans les années 1950, grâce à des artistes qui ne voulaient pas perdre la tradition. Ces groupes ont ainsi créé des dynasties musicales comme les familles Santa Cruz, les Campos, les Vásquez ou les Ballumbrosio dont les héritiers sont encore en activité. Aujourd’hui, une nouvelle génération remet cette musique au goût du jour.
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