Transport maritime : le continent fait de la résistance

Baisse des tarifs, chute des volumes : armateurs et opérateurs portuaires sont doublement frappés par le ralentissement économique mondial… Sauf en Afrique.

Publié le 21 avril 2009 Lecture : 5 minutes.

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Transport maritime: L’Afrique épargnée par le marasme

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Alors que, depuis la mi-2008, les grandes routes maritimes subissent de plein fouet l’effondrement des échanges commerciaux, conséquence de la crise économique mondiale, l’Afrique reste une destination relativement solide. Stabilité ou légère baisse des volumes, hausse des opérations portuaires de transbordement de marchandises, faible diminution des tarifs… Les principaux indicateurs sont au vert ou passent à l’orange, mais ils ne virent pas au rouge. « Dans son ensemble, le continent résiste. Toutefois, les évolutions diffèrent selon les zones géographiques, note Éric Melet, directeur des opérations chez Bolloré Africa Logistics, opérateur français d’une multitude de ports africains. En Afrique de l’Ouest, les importations semblent avoir entamé une régression de l’ordre de 5 % au premier trimestre 2009. L’Afrique centrale les maintient ou les augmente. Comme l’Afrique de l’Est. En revanche, on note un fort fléchissement du transport de marchandises vers l’Afrique du Sud. » « Nous constatons certes un ralentissement mais dans des proportions plus faibles que les autres flux commerciaux, ajoute de son côté Michel Darche, directeur du développement de Progosa, l’opérateur de manutention du port de Lomé, au Togo. Cette baisse d’activités est compensée par la croissance des opérations portuaires de transbordement de conteneurs d’un navire à l’autre pour poursuivre l’acheminement vers d’autres ports. »

L’Afrique semble ainsi avoir globalement amorti la chute brutale de 30 % des volumes de marchandises entre l’Asie et l’Europe ou l’Amérique du Nord. À cause d’elle, de gros navires porte-conteneurs en surnombre attendent à l’entrée des grands ports chinois, ou les quittent avec un chargement bien inférieur à leur capacité. Et des compagnies maritimes perdent beaucoup d’argent en raison des coûts d’exploitation élevés de navires au tiers vides et de l’effondrement des tarifs. Les « taux de fret » ont été divisés par quatre, voire cinq depuis la mi-2008, passant de 1 500 à 1 800 euros le conteneur EVP (équivalent vingt-pied, le standard des conteneurs) à 300 à 400 dollars aujourd’hui. C’est loin d’être le cas sur l’Afrique, où « les taux de fret ont diminué d’à peine 10 % pour se maintenir dans une fourchette de 500 à 900 dollars le conteneur », relève Marc Desbuquois, gérant de SGC Maritime, transitaire vers l’Afrique. 

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Maersk annule des liaisons

Le danois Maersk Line, leader mondial du transport de conteneurs, qui offre 24 liaisons par semaine vers l’Afrique depuis l’Europe, les États-Unis, le Moyen-Orient ou l’Extrême-Orient, est plus inquiet. « Nos trafics vers l’Afrique ralentissent depuis octobre 2008 et ils enregistrent une chute des taux de fret depuis l’Asie en 2009. Les taux de fret atteignent un seuil trop bas et trop risqué pour que nous maintenions tous nos services. Depuis le début de l’année, nous avons déjà annulé trois voyages du Moyen-Orient vers l’Afrique de l’Est, deux de l’Extrême-Orient vers l’Afrique de l’Ouest et deux autres vers l’Afrique du Sud », révèle Sonny Dahl, directeur des services Afrique chez Maersk Line.

Mais ce fléchissement relatif ne traduit en réalité qu’un ralentissement par rapport à la forte croissance des flux maritimes absorbés par le continent ces dernières années : « Nous arrêtons en fait d’ajouter de nouveaux services pour répondre à la réduction des volumes d’importations, notamment en Afrique de l’Ouest », tempère Sonny Dahl. « Le marché vers l’Afrique devient plus raisonnable. La baisse des trafics maritimes ne fait simplement qu’effacer plusieurs années de forte croissance des importations », renchérit Alain Caro, directeur logistique de CFAO (groupe PPR), spécialiste import/export d’automobiles, de pièces détachées, de produits pharmaceutiques et de biens de consommation d’Europe et d’Asie vers trente pays africains.

C’est notamment par une consommation et un rattrapage économique encore vigoureux que le continent tire son épingle du jeu, même s’il commence à ressentir les effets de la crise. « Les réserves de croissance des pays d’Afrique de l’Ouest et de l’Est liées à leur modernisation et à la tenue de la consommation de masse contribuent à la stabilité des trafics maritimes vers le continent », analyse Paul Tourret, directeur de l’Institut supérieur d’économie maritime de Nantes – Saint-Nazaire (Isemar). L’Afrique continue en effet à acheter sur le marché mondial et notamment à la Chine des produits de consommation très bon marché. L’empire du Milieu est même devenu le premier fournisseur de l’Afrique subsaharienne. « 60 % du trafic du port de Lomé s’effectue avec l’Asie », témoigne Michel Darche, de Progosa. Mais dans ces flux d’importation, c’est surtout la part importante des biens de consommation de première nécessité et des biens d’équipement de base qui contribue à maintenir les trafics maritimes.

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La structure de la desserte maritime propre au continent africain peut également expliquer la bonne tenue de ses volumes de marchandises à l’import. L’offre de transport y est plus difficile à mettre en place par les armateurs, qui doivent faire de nombreuses escales afin de couvrir tous les marchés, de gérer les problèmes de capacité, de congestion et d’accès aux ports. Avec son port en eau profonde, Lomé fait par exemple figure d’escale pour alimenter ensuite par des feeders (plus petits bateaux) les ports de Douala (Cameroun), de Libreville (Gabon) ou de Cotonou (Bénin). Mais cette configuration qui favorise l’ajustement des capacités bénéficie aux compagnies maritimes comme CMA-CGM, qui continue « à faire du profit sur l’Afrique », selon son président Jacques Saadé dans un entretien au Figaro. Certaines en profitent même pour rationaliser leur flotte et optimiser leur fret au départ d’Asie afin de compenser leurs pertes vers l’Europe ou l’Amérique. Elles reportent ainsi une partie de leur capacité vers l’Afrique. « Les ports africains, qui ne sont généralement adaptés qu’à des navires de petite capacité de 1 000 à 2 500 conteneurs EVP, voient arriver aujourd’hui de plus grands navires de 3 000 à 4 000 EVP ainsi que de nouveaux opérateurs de trafics provenant d’Asie, d’Europe ou d’Amérique du Sud », explique Alain Caro.

Mais les trafics maritimes au départ du continent semblent beaucoup plus pâtir de la situation. Principal exportateur de matières premières, l’Afrique subit de plein fouet le fléchissement de la demande asiatique et européenne. Pour certains minerais, grumes de bois et matières agricoles, les volumes exportés d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale ont commencé à baisser sensiblement dès la fin 2008. « Pour 100 conteneurs qui rentrent, il y en a 30 à 40 qui partent, dont beaucoup aujourd’hui repartent… à vide », résume Michel Darche. « Néanmoins, les trafics à l’export de matières à valeur ajoutée comme le café, le coton ou le cacao se comportent plutôt bien », conclut Bernard Dujardin, vice-président de l’Institut français de la mer.

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