Un nouveau scénario démographique
Prévu initialement pour l’année 2010, le seuil des 11 millions d’habitants ne sera atteint qu’en 2015. Un ralentissement dû au déclin rapide de la natalité.
La résolution de la nouvelle équation démographique est au centre des préoccupations du gouvernement tunisien. Malgré le débat qui s’est déroulé le 7 mars au siège de la primature, à la Kasbah, l’opinion est restée sur sa faim. Il y a certes eu un compte rendu officiel, repris par la plupart des journaux, mais point d’analyse critique et seulement quelques données sur l’évolution attendue de la population d’ici à 2040. Les études stratégiques, régulièrement mises à jour avec un horizon toujours plus lointain, demeurent en outre inaccessibles, même aux professionnels – éducateurs, investisseurs, prospectivistes… –, pour qui cette « matière première » est indispensable afin de prévoir et de préparer les besoins de la population. La diffusion de ces documents, malgré les appels du président de la République à plus de transparence dans la gestion des affaires publiques, reste limitée à un cercle trop restreint. Pourtant, il ne s’agit pas d’un « secret défense », encore moins d’un secret économique.
Savoir comment la Tunisie est en train de vivre la transition démographique propre aux pays développés est pourtant un sujet passionnant. Prévu initialement en 2010, le seuil des 11 millions d’habitants ne sera atteint, selon le nouveau scénario, qu’en 2015. Mieux, la barre des 13 millions sera franchie en 2040, et non en 2025. Cette évolution, beaucoup plus lente qu’on ne l’avait prévu dans les années 1990, est le résultat d’un déclin plus rapide que celui imaginé par les démographes de la natalité. Désormais, les nouvelles familles tunisiennes ont en moyenne deux enfants, contre six ou davantage dans les années 1960. Les jeunes couples, plus éduqués et plus actifs, se marient plus tard (après 25 ans) et réfléchissent à deux fois avant d’avoir un enfant. Ils ne s’en remettent plus au destin ou à Dieu, mais à leur budget. Résultat : le taux de fécondité est tombé à 2, juste ce qu’il faut pour assurer le renouvellement de la population mais pas sa progression, contre 3,4 en 1990. Il devrait encore baisser à 1,5 en 2014.
Prise de conscience
À la baisse de la natalité s’ajoute l’amélioration notable des conditions d’hygiène et de santé, des revenus et des loisirs. L’espérance de vie des Tunisiens est passée de 50 ans en 1960 à 75 ans aujourd’hui. Elle s’établira à 80 ans en 2020, niveau actuel des pays les plus développés. Les effectifs du troisième âge (60 ans et plus) vont donc s’étoffer, puis doubler (de 10 % à 18 % de la population totale) au cours des vingt prochaines années. Il a fallu attendre quarante ans pour que se réalise le précédent doublement (de 5 % à 10 %). Les choses s’accélèrent donc, mais dans le sens inverse, pour les jeunes de moins de 15 ans, dont la proportion passera à 20 % en 2030, contre 30 % en 2000 et 50 % en 1966. Moins de jeunes et plus de personnes âgées, donc une population « centrale » plus importante. C’est ce que les économistes appellent la « population active », celle qui est en âge d’exiger plus : plus d’études supérieures et plus de travail, avec une rémunération plus importante et une vie meilleure sur tous les plans (politique, intellectuel et matériel).
Selon le Premier ministre tunisien, Mohamed Ghannouchi, les demandes d’emploi vont augmenter de 2,5 % par an, beaucoup plus vite que le croît démographique (1 %). Pour les satisfaire toutes, il faudrait réaliser une croissance économique d’au moins 7 %. Or la performance actuelle de la Tunisie se limite à 5 %. Que vont devenir les 10 000 ou 15 000 jeunes qui ne trouveront pas d’emploi ? Grossir la cohorte des chômeurs (le taux de chômage officiel s’élève déjà à 14,2 % de la population active) ? S’expatrier et, dans ce cas, où ? La transition démographique actuelle n’est pas sans dangers. Elle est d’autant plus délicate qu’elle exige une prise de conscience pas seulement au sommet de l’État, mais dans toutes les composantes de la société et de l’économie. Comment créer plus d’emplois ? Comment administrer des citoyens de plus en plus éduqués ? Les réponses à toutes ces questions ne seront pas démographiques, mais politiques.
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