Hamza Essaddam

Chef de service d’orthopédie à La Rabta, à Tunis, lauréat du prix maghrébin de médecine 2008 pour ses travaux sur l’ostéomyélite, il s’interroge aujourd’hui sur certains des dogmes les mieux établis de sa discipline.

Publié le 21 avril 2009 Lecture : 2 minutes.

Hamza Essaddam est un médecin à l’ancienne. Un humaniste féru de lettres et d’histoire. Un personnage qui tranche dans un milieu devenu terriblement conventionnel et conformiste. Mais ce chef de service d’orthopédie à l’hôpital de La Rabta, à Tunis, était surtout un pionnier en mal de reconnaissance. Jusqu’à ce que lui soit décerné, en mai 2008, le prix maghrébin de médecine, venu couronner son ouvrage Nouvelle Approche dans l’étude de l’appareil locomoteur et conséquences thérapeutiques. C’est que les travaux de ce médecin de 61 ans né à Tunis, ancien interne des hôpitaux de Paris, pourraient être à l’origine d’une vraie révolution dans le traitement des pathologies osseuses.

Son aventure scientifique débute en 1987. Cette année-là, avec le concours de son équipe, le docteur Essaddam met au point ce qui deviendra le Protocole de Tunis. C’est une avancée décisive dans le traitement des ostéomyélites aiguës hématogènes, des infections provoquées par un germe pouvant conduire à la dévascularisation de l’os, à l’amputation ou à des handicaps chroniques, et contre lesquelles la science était jusqu’alors relativement impuissante. Les résultats sont spectaculaires. La plupart des malades, traités à un stade précoce, guérissent sans séquelles. Le coût du traitement est divisé par vingt, passant de 20 000 à 1 000 dinars par patient. La reconnaissance de la communauté scientifique internationale ne se fait pas attendre, et, en 1998, le Protocole de Tunis fait son entrée dans l’Encyclopédie médico-chirurgicale et est maintenant enseigné sur les cinq continents.

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Ses travaux sur l’ostéomyélite ouvrent de nouvelles perspectives à Hamza Essaddam et l’amènent à s’interroger sur certains des dogmes les mieux établis de sa discipline. « Nous avons toujours tendance à regarder les os et le squelette comme une charpente. On étudie le vivant à partir du mort, à partir de l’os mort. Et on regarde surtout les fractures comme des ruptures de la continuité osseuse. Mais si nous voulons mieux soigner, il faut en quelque sorte changer de focale et regarder non plus seulement l’os, mais le couple os-vaisseau. Car l’os est d’abord un vaisseau, il est irrigué par le sang, vascularisé. Cela, on le sait depuis longtemps, mais on n’en a pas encore tiré toutes les conséquences théoriques et pratiques. »

Convaincu que tout se joue au niveau de la vascularisation, le docteur Essaddam suggère une nouvelle classification des os, la « classification de Carthage ». Son approche, explicitée dans l’ouvrage qui lui a valu le prix maghrébin, s’inscrit à rebours de dix siècles d’enseignement théorique de la médecine et suscite de vives résistances dans la communauté académique. En Tunisie comme à l’étranger. Son travail est jugé « impubliable » par une célèbre revue orthopédique française spécialisée. Qui, dans sa lettre de refus, s’interroge sur la nécessité d’ouvrir ses colonnes « à des auteurs de pays francophones ne disposant pas de moyens scientifiques lourds ». Or c’est cette même revue qui avait publié et salué son article sur le Protocole de Tunis…

Essaddam encaisse, mais ne veut pas baisser les bras. Il sait que les révolutions scientifiques ne se font pas en un jour. Mais, tient-il à souligner, « en médecine, la recherche n’est heureusement pas uniquement tributaire de l’argent. Rien ne remplace l’observation et la réflexion. Si l’on se focalise uniquement sur la question des moyens, alors autant abandonner tout de suite toute ambition arabe et africaine en matière scientifique. »

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