« Noël à Abidjan », la grande manip

Un documentaire retrace l’histoire du coup d’État manqué contre Laurent Gbagbo de décembre 2007. Affaire d’amateurs qui tourne mal ou piège grossier ? Un dossier qui en tout cas empoisonne les relations franco-ivoiriennes.

Publié le 20 avril 2009 Lecture : 3 minutes.

La tentative avortée de coup d’État « Noël à Abidjan » de décembre 2007 n’a pas encore livré tous ses secrets. Mais une partie du voile qui l’entoure sera levée, le 22 avril, avec la diffusion de Manipulations sous haute tension sur la chaîne Planète. Un documentaire de près de deux heures, réalisé par les journalistes Jean-Paul Billault et Jean-Pierre Canet de l’agence Capa ainsi qu’Emmanuel Razavi d’Hamsa Press après plus d’un an d’enquête.

Début 2008, Billault est approché par Jean-François Cazé, un Français prétendant travailler pour les « services ». Cet informaticien, à la tête d’une petite société d’intelligence économique, n’est autre que le « stratège » blanc que l’on peut voir sur une vidéo diffusée sur Internet montrant la préparation d’un putsch en Côte d’Ivoire visant à installer au pouvoir le sergent-chef Ibrahim Coulibaly, dit IB. Les scènes se déroulent à Paris, notamment dans les bureaux d’un avocat bien connu de la Françafrique, et à Cotonou, dans une villa louée par IB, qu’on aurait convaincu de garder une trace de la préparation de ce « putsch ». Par deux fois, en décembre 1999 et septembre 2002, le sergent-chef a participé à un coup de force avant de se voir écarté lors du partage du gâteau.

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Ce film amateur est réalisé par un journaliste français aux méthodes controversées, Jean-Paul Ney, auteur de plusieurs ouvrages sur la sécurité dont un consacré au Service de protection des hautes personnalités et préfacé par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur.

Ney sera arrêté à Abidjan, le 27 décembre 2007, en possession de près de quatorze heures de film retraçant les préparatifs du coup de force.

Les autorités ivoiriennes laissent diffuser sur Internet de larges extraits de cette vidéo, que l’on retrouve sur les marchés sous forme d’un CD appelé « Noël à Abidjan ». Une enquête judiciaire, toujours en cours, est lancée et les médias dénoncent une nouvelle tentative de déstabilisation. Embarras au Quai d’Orsay et à l’Élysée. Dans les mois qui suivent, Cazé, qui a réussi à quitter la Côte d’Ivoire au terme d’un périple qui n’a rien à envier aux meilleurs SAS, se défend en tentant de faire croire à des journalistes qu’il préparait un « contre-coup d’État ». IB et lui étaient censés réagir à une tentative de putsch menée par Mathias Doué, l’ex-chef d’état-major de l’armée, en exil. Une thèse guère convaincante. Quelques semaines plus tard, il change de version. Cette fois, il affirme avoir préparé un putsch et dénonce même les commanditaires : des personnalités de l’armée française, des services secrets et de l’Élysée. Info ou nouvelle intox ? « Nous n’avons pas encore tous les éléments du puzzle, reconnaît Jean-Paul Billault. Mais ce dont nous sommes sûrs, c’est que toute cette affaire est une succession de manipulations. » Dans quel but ? Nuire aux relations franco-ivoiriennes, empêcher le rapprochement entre Laurent Gbagbo et Guillaume Soro, le Premier ministre issu de la rébellion, affaiblir le président Sarkozy… ?

Jean-François Cazé, l’instrument de cette manipulation, continue jusqu’à aujourd’hui à alimenter les journalistes en vraies-fausses nouvelles.

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Mathias Doué et IB, toujours dans la nature, restent des épées de Damoclès pour le processus de paix et ses acteurs… Quant à Jean-Paul Ney, il croupit dans les geôles de la sordide Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca) en attente d’un hypothétique procès. « C’était un projet journalistique inopportun… », explique-t-on laconiquement au Quai d’Orsay.

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