Perdants, et pas contents

Au lendemain de la très large victoire d’Abdelaziz Bouteflika à l’élection présidentielle du 9 avril, ses rivaux malheureux ont bien du mal à avaler la pilule.

Publié le 20 avril 2009 Lecture : 3 minutes.

Avec moins de 300 000 voix sur 14 millions de suffrages exprimés, Moussa Touati, le président du Front national algérien (FNA), quatrième force politique du pays, est amer. Il explique la modestie de son score par le manque de vigilance de ses militants à l’intérieur des bureaux de vote. Ce qui, selon lui, aurait permis à l’administration de frauder à grande échelle. Il annonce donc la convocation d’un congrès extraordinaire pour « nettoyer la base militante et sanctionner les défaillances ». Cela ne l’a pas empêché de téléphoner au vainqueur pour le féliciter…

L’islamiste Djahid Younsi, du parti El-Islah, est, lui, contesté par une partie de sa base. Cette dernière lui reproche des erreurs de stratégie électorale. Le vent de la dissidence risque d’emporter l’ex-candidat qui s’est distingué, pendant la campagne, par une sensibilité à fleur de peau (il a pleuré à de nombreuses reprises durant ses meetings).

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Avec ses 133 000 suffrages, le candidat indépendant Mohamed Saïd est le plus serein : « La présidence ne m’intéressait pas vraiment, reconnaît-il après coup. Cette campagne m’a donné l’opportunité de lancer mon parti. »

Quant à Ali Fawzi Rebaïne, lanterne rouge avec un peu plus de 120 000 voix, il affirme que le pouvoir lui a fait « payer » ses critiques au vitriol.

Louisa Hanoune, qui a recueilli près de 650 000 voix (une performance, dans un pays réputé conservateur et machiste), attend la réunion du comité central du Parti des travailleurs (PT, trotskiste) pour s’exprimer sur le déroulement du scrutin, même si elle estime avoir été « volée de plusieurs centaines de milliers de voix ».

Les opposants qui avaient appelé au boycott ne sont pas non plus sortis indemnes du scrutin du 9 avril. La forte participation (aucune preuve de bourrage d’urnes n’a été présentée et tous les recours introduits auprès du Conseil constitutionnel ont été rejetés faute d’arguments) a souligné la faiblesse de leur capacité de mobilisation.

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Et leurs querelles ont repris. Le lendemain de la proclamation des résultats, Hocine Aït Ahmed, l’inamovible secrétaire général du Front des forces socialistes (FFS), avait appelé au rassemblement des démocrates pour « créer une alternative crédible au système ». Saïd Sadi, le chef du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), avait approuvé cette « excellente » initiative… avant que Karim Tabou, qui assure l’intérim à la tête de l’exécutif du FFS (Aït Ahmed est depuis plusieurs années en exil volontaire en Suisse), réitère le refus « d’une alliance populiste, sectaire ou tribale ». Explication : FFS et RCD chassent sur les mêmes terres électorales, la Kabylie… Cette guéguerre qui oppose ces deux partis – et leurs leaders – depuis une vingtaine d’années plonge les démocrates algériens dans le désarroi.

La dernière victime du plébiscite de Boutef est inattendue. Et pour cause : elle fait partie du camp des vainqueurs. Le Mouvement de la société pour la paix (MSP, ex-Hamas), vitrine politique des Frères musulmans algériens, est en effet ébranlé par une dissidence, qui reproche à son président, Bouguerra Soltani, d’avoir aveuglément soutenu Bouteflika « sans contrepartie politique ». Emmenée par Abdelmadjid Menasra, figure historique des Frères musulmans et ancien ministre de l’Industrie, la fronde a provoqué la démission d’une dizaine de députés sur les cinquante-six que compte le MSP.

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Les contestataires envisagent de créer un nouveau parti, le Mouvement pour la prédication et le changement (MPC), qui prendrait ses distances avec le nationalisme pour s’ancrer davantage dans l’islamisme. « Ceux qui nous ont quittés représentent moins de 3 % de notre encadrement », riposte Soltani. 

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