Courrier des lecteurs

Vos messages concernant la crise malgache condamnent unanimement le renversement du président Marc Ravalomanana.

Publié le 15 avril 2009 Lecture : 7 minutes.

Démocratie « château de cartes »

– Ce qui vient de se passer à Madagascar est loin d’honorer la classe politique malgache. Et ce n’est pas la première fois que cela se passe de cette manière déplorable. Dès lors, à quoi bon mettre en place une « période de transition », ou élaborer une nouvelle Constitution et organiser de nouvelles élections dites anticipées si l’Histoire est condamnée à bégayer ? Une transition pour quoi faire ? Une nouvelle Constitution pour régenter quoi ? De nouvelles élections pour élire qui, puisqu’on ne semble pas s’accommoder des règles élémentaires de la démocratie, et que tout cet échafaudage peut disparaître le lendemain comme un château de cartes ? En tout cas, tout cela ne peut se produire que dans la République très très démocratique du « Gondwana », si chère à notre ami Mamane sur RFI. Car on a beau avoir des griefs contre Marc Ravalomanana, on a beau lui reprocher ses erreurs dans la conduite du pays ou des manquements dans sa gestion, il n’en demeure pas moins qu’il reste dépositaire de la légalité du pouvoir.

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Abraham Ezin, Niamey, Niger

« Si, de sa tombe, Foccart… »

– La réaction du président français, Nicolas Sarkozy, vis-à-vis du coup de force est pour le moins ambiguë. C’est un coup d’État, reconnaît-il, mais il faut l’accompagner, semble-t-il ajouter. À la mi-mars, Sarkozy était monté au créneau pour préconiser une solution 100 % malgache. Une fois le jeune DJ installé au pouvoir, il s’est alors empressé de faire remarquer que le perdant n’était pas sans reproches… Mais la condamnation morale de Marc Ravalomanana ne veut rien dire : il y a belle lurette que Sarkozy aurait été remplacé par Olivier Besancenot s’il ne s’agissait que de laisser en place des chefs d’État sans reproches !

Tout au plus peut-on « reprocher » à Ravalomanana son penchant anglo-sinophile dicté par le besoin de diversification des relations internationales de Madagascar. D’où une hypothèse : de sa tombe, Foccart continuerait-il à peser silencieusement sur le destin de l’Afrique ?

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Pour moi, le cas Ravalomanana relève de ce que j’appelle « le syndrome du mal-aimé », celui-là même qui a emporté le Congolais Lissouba et auquel l’Ivoirien Gbagbo a opposé une carapace de pachyderme, devenant ainsi un héros aux yeux de nombreux Ivoiriens et Africains. Et je ne suis pas le premier à accréditer la thèse de l’implication de la France dans la présente crise politique malgache…

Ildefonse Ndabalishye, Abidjan, Côte d’Ivoire

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La « boîte de Pandore » malgache

– En poussant le président Marc Ravalomanana à abandonner le pouvoir qu’il avait conquis démocratiquement, le jeune Andry Rajoelina n’a pas rendu service à la démocratie de la Grande Île. Certes, on connaît l’autisme politique de Marc Ravalomanana et le mélange exécrable des genres qu’il affectionne, au point de confondre ses propres intérêts avec ceux de l’État. Mais considérer cette attitude comme un prétexte suffisant pour le contraindre à jeter l’éponge sous la double pression de la rue et de l’armée, c’est complètement abject. Andry Rajoelina et ses ouailles auraient été mieux inspirés d’attendre la fin du mandat de l’ex-président pour le sanctionner démocratiquement par les urnes.

Malheureusement, les adversaires de Ravalomanana ont emprunté le raccourci de la rue et du coup d’État militaire camouflé pour réussir leur coup. Ce faisant, ils ont ouvert un peu plus la boîte de Pandore malgache.

Richard Kosséré, Bonn, Allemagne

« Antananarivo n’est pas Madagascar »

– Les Américains ont patienté et utilisé l’une de leurs plus puissantes institutions – le vote – pour sanctionner le parti de George W. Bush (le président le plus impopulaire de leur histoire). Sans cette discipline démocratique, Obama aurait-il eu une chance de s’imposer ? Non. En comparaison, qu’en est-il de la légitimité populaire d’Andry Rajoelina ? Dans une interview accordée au quotidien français Le Figaro, celui-ci a déclaré que, plutôt que d’être inféodés aux bailleurs occidentaux, les dirigeants malgaches devraient être à l’écoute du « peuple ». Bonne idée ! Mais il y a deux problèmes. D’abord un peu d’ironie : le surnom « TGV » ne vient-il pas d’un train français à grande vitesse ? Je me demande combien de Malgaches connaissent réellement ce train… Ce qui m’amène au deuxième point : le « peuple » qu’invoque Rajoelina n’est qu’une fraction de la population de l’île. Pour dire vrai : une partie des habitants de la capitale. Et Antananarivo n’est pas Madagascar.

Rajoelina a nié avoir réalisé un coup d’État. En tant que politologue, j’avoue que je suis restée perplexe. En moins de vingt-quatre heures, le pouvoir est passé des mains d’un président démocratiquement élu (à deux reprises) à celles des militaires, pour finalement échoir entre celles d’un leader qui, constitutionnellement (il a moins de 40 ans) ne peut occuper le fauteuil présidentiel… Et tout ça avec la bénédiction de la Cour suprême ! Il y a de quoi dérouter beaucoup de gens, mais tant que je ne trouverai pas de raisons satisfaisantes au maintien de Rajoelina au pouvoir, je ne pourrai pas l’accepter comme mon président.

Nadia Rabesahala Horning, Middlebury College, États-Unis

Retour du néocolonialisme

– Les événements survenus à Madagascar ne me surprennent guère. Dès que le chef d’état-major de l’armée donna trois jours d’ultimatum aux belligérants – le chef de l’État démocratiquement élu par le peuple malgache et le maire de la capitale Antananarivo, tout aussi démocratiquement élu –, je me suis dit qu’il y avait un coup d’État constitutionnel. Comment un chef d’État élu peut-il laisser une fraction de seconde son armée, dont il est le chef suprême, lui dicter sa conduite ? Dans cette situation, que valent le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine et la médiation des Nations unies ? Ils auraient dû intervenir dès le début de la crise, en décembre 2008, et non en mars 2009. Et, pour éviter le retour du néocolonialisme qui sous-tend cette crise, la seule solution est d’aller vers un gouvernement fédéral africain et une monnaie africaine. Comment ? C’est toute la question…

Mohamadoun Baréma Bocoum, conseiller à l’ambassade du Mali en Italie, Rome

Le courage des clandestins

– En réaction à l’article sur les Harraga (J.A. n° 2510), je pense que le caractère massif du phénomène de l’immigration clandestine brouille une lecture plus individuelle des comportements des clandestins. Certes, l’aventure clandestine se raconte à travers un récit de fuite, où le rêve se définit comme une réaction au cauchemar. Mais le rêve peut se suffire à lui-même. Il n’a pas besoin de précarité matérielle pour s’exprimer. On qualifie volontiers d’aventurier un Occidental qui risque sa vie à l’étranger. Faut-il être occidental pour mériter ce qualificatif ? Un Africain ne serait-il qu’un homme qui fuit ? Au-delà du poids de la misère, il faut pourtant entendre la soif d’aventure, celle qui pousse certains jeunes Occidentaux à chercher le paradis perdu en Afrique. Il faut donc accepter de voir en ces clandestins non pas seulement des victimes mais aussi des aventuriers. Pas pour soulager nos consciences face à ce drame qui réclame des mesures concrètes, politiques et humanistes, mais pour rendre leur dignité propre à des hommes courageux.

Élodie Chemarin, Genève, Suisse

Big-bang guinée

– Rien qu’en s’attaquant à la mafia de la drogue, ce fléau sans pitié, Moussa Dadis Camara invite la jeunesse et toutes les forces vives de Guinée à faire bloc derrière lui. Bien sûr, les uns sont pressés et exigent des délais serrés pour mettre fin à la transition. Les autres, plus raisonnables, préfèrent n’avancer une date que si elle peut déboucher sur des élections propres, fiables, consolidant l’unité nationale par-dessus « tout esprit ethnique ».

Si la Guinée n’est pas le Mali, nous aimerions quand même que les derniers patriotes militaires guinéens ouvrent avec nous la plus belle page de notre histoire : celle du progrès à la place de cinquante années de haine et de crimes commis par nous contre nous-mêmes. Sans pour cela tomber dans les excès des procès publics ou télévisés. Et, surtout, en évitant toute répétition des erreurs du passé. Il faut que notre jeune chef d’État sache que les opportunistes et l’entourage clanique de Sékou Touré et de Lansana Conté sont en partie responsables du naufrage de ce pays qui était promis à un bel avenir. Aujourd’hui, il faut réformer la Constitution et faire de ce moment de transition un big-bang politique pour la Guinée.

Lanciné Camara, président de l’Union internationale des journalistes africains, Paris, France

Éditorial optimiste

– Permettez-moi de dire un grand bravo à Béchir Ben Yahmed pour son éditorial intitulé « Est-ce l’aube de la paix ? » (J.A. n° 2518). J’en ai apprécié à la fois l’inspiration et les mots employés. BBY serait-il trop optimiste ? Eh bien tant mieux ! Que Dieu et les diplomates l’entendent. Même si ce Lieberman ne me dit personnellement rien de bon. Et que j’ai du mal à entrevoir dans son style la moindre promesse ou une quelconque espérance.

Viktor Malka, Paris, France

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