Panique dans la filière bois
La crise mondiale frappe les forestiers au moment où la lutte contre l’exploitation illégale commençait à s’imposer. Des milliers d’emplois sont menacés.
Tout allait bien. En 2007, l’Afrique centrale a exporté 7,9 millions de m3 de bois brut vers l’Europe (60 %) et la Chine (30 %), en hausse de 6 % par an depuis 2004. Et la RD Congo, où l’exploitation reprenait progressivement, se préparait à exporter entre 6 millions et 10 millions de m3 par an à elle seule. « Nous avons enregistré une chute de 26 % des ventes au quatrième trimestre de 2008 », expliquent les dirigeants de l’exploitant forestier français Rougier. « Au Cameroun, à la fin de 2008, on s’attendait déjà à 2 000 licenciements », ajoute Samuel Nguiffo, directeur du Centre pour l’environnement et le développement (CED), qui fait autorité dans ce domaine en Afrique centrale. Il parle de 20 000 emplois directs et indirects menacés dans son pays et autant en RD Congo. « Plus de 6 000 emplois sont supprimés », a annoncé, le 3 avril, le ministre ivoirien des Eaux et Forêts. La filière bois en Côte d’Ivoire emploie 15 000 personnes.
Les ventes ont chuté de 26 %
Mais aujourd’hui, c’est la grande panne. Le BTP européen n’achète plus de bois exotiques. Les conséquences sont visibles dans les comptes de ses principaux fournisseurs. Pour Rougier, qui emploie 3 000 personnes, le chiffre d’affaires a baissé de 11 % sur le dernier exercice, à 158,5 millions d’euros, et le groupe affiche un déficit de 3 millions d’euros. Pertes d’ampleur comparable pour le suisse Precious Woods, qui compte 2 300 salariés et présente un chiffre d’affaires en baisse de 17 %, à 87 millions d’euros, ou le leader danois DLH (3 800 employés), dont le CA a diminué de 14 %, à 671 millions d’euros. Bien qu’il soit l’un des principaux exportateurs du Cameroun, de Centrafrique et du Congo, le groupe de Hong Kong Vicwood ne communique pas de résultats.
Si les groupes à capitaux étrangers peuvent tenir – suivant les pays, ils traitent entre 50 % et 65 % des exportations –, la situation est beaucoup plus tendue pour les PME locales. Dans chaque pays, une cinquantaine d’entreprises seraient concernées. « Nous avons pris plusieurs mesures d’urgence, comme la suspension du paiement anticipé de la taxe d’abattage », explique-t-on au cabinet du ministre de l’Économie forestière, à Brazzaville.
Vers des labels écologiques
Catastrophe ? Tout dépend de quel côté l’on se place. « Vu comment le secteur est géré, l’arrêt de l’activité est inéluctable à terme, explique Samuel Nguiffo. Autant que cela se produise aujourd’hui, que la forêt n’est pas épuisée. » Selon les sources, l’exploitation illégale toucherait entre 30 % et 60 % des exportations. Les grands exploitants soignent leur réputation en adhérant aux labels écologiques. L’objectif est double : ne prélever que ce que la forêt produit (lire encadré ci-dessous) et répondre à la pression grandissante des acheteurs de bois tropicaux. « Ceux qui ne s’y mettent pas disparaîtront tôt ou tard », prédit Marc-Antoine Mallet, directeur exécutif de Rougier, qui reconnaît que le dispositif industriel est plus efficace et la rentabilité meilleure mais que cette nouvelle forme d’exploitation revient plus cher. Lancé quand la filière était florissante, le mouvement de labellisation pourrait donc lui aussi marquer le pas. Il touche à peine 4 millions d’hectares aujourd’hui en Afrique centrale et visait d’atteindre 10 millions d’hectares à l’horizon 2012… Une goutte d’eau dans la deuxième forêt tropicale du monde, qui couvre plus de 200 millions d’hectares.
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