L’Amérique dans le bourbier « AfPak »
Les services de renseignements pakistanais continuent de soutenir en sous-main les djihadistes. Obama somme Zardari de les mettre au pas. Mais ce dernier en est bien incapable !
L’heure des comptes pour le Pakistan ? Contrairement à la précédente, la nouvelle administration américaine n’entend pas se laisser mener en bateau. Robert Gates, le secrétaire à la Défense, l’amiral Mike Mullen, chef d’état-major interarmes, et Richard Holbrooke, l’envoyé spécial dans la région, l’ont dit sans ambages diplomatiques : l’Inter-Services Intelligence (ISI), les services secrets pakistanais, doivent rompre une fois pour toutes avec les talibans.
Le 27 mars, Barack Obama, qui présentait sa stratégie pour l’Afghanistan et le Pakistan (« AfPak »), a sommé le gouvernement d’Islamabad de « prouver sa détermination à éliminer Al-Qaïda et tous les extrémistes violents » s’il veut bénéficier de l’aide américaine (1,5 milliard de dollars sur cinq ans).
Le temps presse. Le président Asif Ali Zardari ne pèse pas lourd face à une armée et à des services de renseignements infiltrés par des extrémistes qui, désormais, unissent leurs forces. Selon plusieurs experts, le Pakistan est menacé de sombrer dans le chaos d’ici six à douze mois. Les attentats se multiplient (1 700 morts en dix-huit mois) et déstabilisent toute la région.
Un article du New York Times paru le 25 mars n’incite guère à l’optimisme. À en croire ses auteurs, qui ont recueilli des témoignages de première main, l’ISI aide beaucoup plus de groupes terroristes qu’on ne l’imaginait. Parmi ces derniers : les talibans du célèbre mollah Omar, basés à Quetta, près de la frontière afghane ; les islamistes radicaux de Gulbuddin Hekmatyar et du clan Haqqani, qui frappent en Afghanistan et sont liés à Al-Qaïda ; mais aussi le Lashkar e-Taïba, créé par l’ISI dans les années 1980 pour contrer l’influence indienne au Cachemire (il est l’auteur des attentats de Bombay, en novembre 2008).
L’ISI ne se borne pas à fournir à ses « amis » de l’argent et des armes. Il recrute pour eux dans les madrasas et leur fournit plans et conseils stratégiques. À tel point que les Britanniques auraient demandé aux Pakistanais d’user de leur influence pour modérer les ardeurs des chefs talibans.
Tandis que le gouvernement pakistanais promet une nouvelle fois d’agir, les responsables de l’ISI persistent et signent : nos agents constituent une « force d’appoint qui servira nos intérêts » lorsque les Américains partiront d’Afghanistan, plaident-ils, en invoquant la nécessité de conserver une « profondeur stratégique » en territoire afghan pour empêcher l’Inde d’y pousser ses pions. « Dans le domaine du renseignement, il faut être en contact avec l’ennemi, sinon on avance à l’aveugle », estime Javed Ashraf, un ancien directeur général de l’ISI.
Un argument auquel les Américains ne font même plus semblant de croire. Depuis l’été 2008, leurs forces spéciales sont engagées des deux côtés de la frontière et leurs drones survolent les vastes zones tribales du Nord-Ouest pour frapper les talibans et les djihadistes d’Al-Qaïda au cœur de leur sanctuaire. Avec interdiction de laisser les militaires pakistanais guider leurs drones, utiliser leurs hélicoptères de combat et même leurs lunettes de vision nocturne. « On ne peut pas réussir quand il y a un tel manque de confiance », déplore Ashraf. Mais comment pourrait-il en être autrement ?
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