Après Abdallah, Nayef ?

Élevé au troisième rang dans l’ordre de la succession, le tout-puissant ministre de l’Intérieur fait désormais figure de dauphin du roi Abdallah.

Publié le 15 avril 2009 Lecture : 4 minutes.

Les spéculations sur la succession en Arabie saoudite sont un sport national auquel on s’adonne avec discrétion ; chacun a sa petite idée, même s’il se garde de la formuler publiquement. Il n’était donc guère surprenant de voir toute la presse saoudienne couvrir de louanges le prince Nayef, 74 ans, à l’annonce de son élévation au troisième rang dans l’ordre de succession, à la fin de mars. Conservateurs ou « libéraux », tous les commentateurs et éditorialistes de la presse nationale ont salué ce choix. Les journaux saoudiens abondaient de messages de félicitations accompagnés de portraits du roi Abdallah, 86 ans, qui est aussi ministre de la Défense, et du prince Nayef, désormais second vice-président du Conseil des ministres. Certains Saoudiens ont mis en ligne sur Facebook des poèmes à la gloire du « protecteur bienveillant de l’État ».

Talal proteste

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Une voix discordante s’est tout de même élevée au sein même de la famille royale des Saoud. Connu pour son franc-parler, le prince Talal, demi-frère de Nayef, a exhorté le roi Abdallah à ne pas contourner le Conseil d’allégeance – composé de trente-cinq membres de la famille –, qu’il a lui-même instauré en 2006 et auquel il revient de désigner le prochain prince héritier. « J’appelle la cour royale, a déclaré Talal, à préciser le sens de cette nomination et à dire clairement qu’elle ne signifie pas que le prince Nayef sera le nouveau prince héritier. »

Le fait que la question de la succession chez le premier exportateur mondial de pétrole ait été préparée – après que le roi eut passé cinq mois à l’étranger pour se faire soigner – est un motif de soulagement, aussi bien dans le royaume qu’à l’extérieur. Mais aussi un motif d’agacement pour d’autres, qui ont compris qu’on n’était pas près de confier la relève à la jeune génération et que les aînés conserveraient les rênes, plus précisément les fils – vieillissants – de feu le roi Abdelaziz, fondateur de l’Arabie saoudite.

Les sujets du royaume savent gré au prince Nayef, qui est à la tête du ministère de l’Intérieur depuis trente ans, d’avoir défendu l’État saoudien dans des moments particulièrement difficiles. C’est lui qui dirigea les opérations pour mettre fin au siège de La Mecque par des extrémistes, en 1979. Plus récemment, ses services ont eu pour mission de pourchasser les activistes d’Al-Qaïda engagés dans une vaste opération de déstabilisation de la dynastie des Saoud.

Pourtant, le choix de Nayef en a étonné certains, le roi Abdallah étant considéré comme un réformateur soucieux de conduire le royaume vers plus de tolérance, de refréner l’extrémisme religieux et d’encourager la participation des femmes à l’économie. Or le prince Nayef fait figure de conservateur. Il a récemment déclaré à des journalistes que point n’était besoin que des femmes siègent au Majlis al-Choura (Conseil consultatif) ou que les membres de celui-ci soient élus, comme le recommandait un rapport d’une organisation de défense des droits de l’homme, en mars. Un rapport qui accuse par ailleurs le ministère dirigé par Nayef de violer les droits de l’homme, plusieurs familles s’étant plaintes de voir leurs fils détenus sans procès sous prétexte qu’ils seraient membres d’Al-Qaïda.

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Prime à l’ancienneté

Il était prévisible que le roi Abdallah, qui a toujours agi dans le respect des traditions, se tourne vers une personnalité éminente de la famille (Nayef est l’un des six survivants du clan des Soudaïri formé par les sept fils de Hassa Bint Soudaïri, épouse favorite du roi Abdelaziz). Les analystes ont toujours averti que la transmission du pouvoir à la nouvelle génération, telle que réclamée par les Occidentaux, provoquerait des conflits au sein des Saoud, chaque prince cherchant à promouvoir la « candidature » de son propre fils.

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« Le prince Nayef sera le prochain roi parce qu’il ne faut pas s’attendre à des changements radicaux en Arabie saoudite », explique un observateur basé à Riyad. Le choix de Nayef répond à plusieurs critères : la défense des intérêts de la famille royale, la nécessité de trouver un consensus et la primauté de l’ancienneté et des services rendus à l’État. Mais cette nomination apparaît aussi comme une mesure d’urgence au regard de la santé fragile du roi Abdallah.

Les analystes saoudiens soulignent l’intégrité et l’expérience de Nayef, et s’interrogent sur sa réputation de conservateur. « Il est à l’origine de réformes majeures en matière de sécurité et exige la création du poste de procureur général, ce qui n’est pas du goût du clergé », commente Jamal Khashoggi, éditorialiste à Al-Watan, le principal journal réformateur. Un autre commentateur, Abdelaziz al-Qassimi, se demande si « la politique du roi Abdallah est en phase avec les opinions de Nayef, qui est davantage un faucon. Mais peut-être que ce dernier changera une fois intronisé… »

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