Barack Obama : une idée neuve, la paix

Le président des États-Unis profite d’une visite officielle en Turquie pour adresser au monde musulman un message d’amitié. Et tourner définitivement la page Bush.

Publié le 15 avril 2009 Lecture : 6 minutes.

Lors de sa tournée européenne, Barack Obama a réalisé un sans-faute. Éloquent, séduisant et imperturbable, il a donné, partout où il est apparu, la preuve de son immense popularité personnelle. Son message implicite – l’Amérique a laissé derrière elle l’ignorance crasse et la brutalité cynique des années Bush – a été accueilli avec un soulagement palpable. L’Amérique peut de nouveau être respectée et admirée.

Mais un autre aspect de sa prestation est plus surprenant. Derrière les jolis discours gentiment prononcés, derrière la désarmante modestie, il y a une résolution en acier trempé. Barack Obama semble savoir ce qu’il veut et, plus important, paraît déterminé à suivre sa route. Le monde devrait en prendre note : ce n’est pas un président américain qui peut facilement être dupé ou détourné du droit chemin. C’est une main de fer dans un gant de velours. 

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Standing ovation

Les discours d’Obama – notamment celui qu’il a prononcé le 6 avril dans l’enceinte du Parlement turc et qui lui a valu une standing ovation – contiennent un certain nombre de défis lancés aux ennemis comme aux amis de l’Amérique. Certaines de ses cibles étaient prévisibles. Comme l’on pouvait s’y attendre, il a promis « de combattre, de démanteler et de vaincre Al-Qaïda ». À leur grande satisfaction, il a affirmé aux Turcs : « Je m’engage à vous apporter notre soutien contre les activités terroristes du PKK » – le Parti des travailleurs du Kurdistan, qui a recours à la lutte armée dans son combat pour la création d’un Kurdistan indépendant en Anatolie.

Obama s’est retenu de menacer l’Iran, mais lui a tout de même adressé un message franc. Ses dirigeants, a-t-il dit, « sont face à un choix : soit ils essayent de construire une arme, soit ils essayent de bâtir un avenir meilleur pour leur peuple… » « Les perspectives de paix dans la région seront plus grandes, a-t-il ajouté, si l’Iran renonce à ses ambitions nucléaires. »

Ce qui était moins attendu, ce sont les défis qu’il a lancés à certains alliés de l’Amérique – au Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, par exemple, mais aussi au président français Nicolas Sarkozy et à la chancelière allemande Angela Merkel. Il s’est adressé ainsi à Israël : « Permettez-moi de le dire clairement : les États-Unis soutiennent la solution de deux États, Israël et la Palestine, vivant côte à côte dans la paix et la sécurité… C’est l’objectif que je compte poursuivre activement comme président. » C’est sans doute là le message que Netanyahou et ses collègues de droite avaient le moins envie d’entendre, eux qui ont consacré toute leur vie politique à empêcher l’émergence d’un État palestinien.

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À ce discours, le ministre israélien de l’Environnement et membre du Likoud Gilad Erdan a offert une réponse courroucée : « Israël ne prend pas ses ordres auprès d’Obama. » Un choc entre la détermination de chacun semble inévitable, en particulier au moment où l’envoyé spécial d’Obama, George Mitchell, est attendu dans la région pour poursuivre sa mission de paix.

La position de Netanyahou n’est guère enviable. La dépendance d’Israël vis-à-vis des États-Unis est si forte qu’il serait imprudent de sa part de s’opposer frontalement au président américain. Mais s’il cède et accepte le principe de la solution de deux États – ce qu’il n’a jamais fait –, ses partenaires d’extrême droite l’abandonneront aussitôt, et son gouvernement tombera. 

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L’homme de la situation

À Sarkozy et Merkel, Obama a parlé ainsi : « Permettez-moi de le dire clairement : les États-Unis soutiennent fermement la demande d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne… Si elle en devenait membre, cela en élargirait et en renforcerait les fondations… La Turquie est une partie importante de l’Europe. » Ce n’est pas là un message que Sarkozy a envie d’entendre, lui qui n’a jamais caché son hostilité viscérale à l’adhésion de la Turquie. La Turquie, répète-t-il souvent, fait partie de l’Asie et doit être tenue relativement à distance par l’Europe. Merkel, elle, a insisté sur le fait qu’elle préférait un « partenariat privilégié » avec la Turquie – ce qui est un concept éloigné de l’adhésion à l’UE.

Barack Obama semble enclin à commencer ses déclarations les plus importantes par ces mots : « Permettez-moi de le dire clairement… » Il y a eu une légère variation de cette formule quand il a abordé l’un des sujets les plus importants – sa détermination à mettre fin au conflit entre l’Amérique et le monde musulman [« permettez-moi de dire ceci aussi clairement que je le peux »]. Sous George W. Bush, les relations ont été mises à mal jusqu’au point de rupture par les guerres en Irak et en Afghanistan, par les excès de la « guerre contre le terrorisme » et par le soutien aveugle de l’Amérique à Israël. Aucun président américain ne s’était jamais adressé ainsi aux musulmans (voir ci-dessous). Et, bien sûr, aucun n’avait grandi dans le Tiers Monde ou n’était issu du métissage – ce qui fait de lui le candidat idéal pour la tâche qu’il s’est assignée.

Barack Obama est un bâtisseur de paix. C’est l’un de ses traits de caractère les plus séduisants. Il veut la paix entre Grecs et Turcs à Chypre, la paix entre la Turquie et l’Arménie en dépit du souvenir de ce qu’il a appelé « les terribles événements de 1915 », la paix entre Israël, la Syrie et les Palestiniens, la paix en Irak « parce que l’avenir de l’Irak est indissociable de celui de la région tout entière », et la paix, aussi, entre les États-Unis et l’Iran.

Il semble dire clairement que la médiation turque serait la bienvenue pour amorcer le dialogue qu’il souhaite avoir avec les dirigeants de la République islamique, après trente ans d’une hostilité stérile.

Barack Obama a quelque chose du prêcheur quand il répand son baume sur les querelles et les disputes du Moyen-Orient, apaisant sa colère avec des mots doux. Son message sera-t-il entendu ? Ce qui est sûr, c’est que des mots ne suffiront pas. Pour résoudre les conflits du Moyen-Orient une bonne fois pour toutes – et pas seulement les « gérer » comme si souvent par le passé –, il faudra que la main de fer sorte du gant de velours. Le spectacle vaudra le coup d’œil. 

« Les Etats-Unis ne sont pas, et ne seront jamais, en guerre avec l’Islam »

« Je sais que nous avons traversé des difficultés ces dernières années. Je sais que les relations de confiance entre les Etats-Unis et la Turquie ont été mises à mal. Je sais que ces tensions sont ressenties dans la plupart des aires musulmanes. Permettez-moi de dire ceci aussi clairement que je le peux : les Etats-Unis ne sont pas, et ne seront jamais, en guerre avec l’Islam. De fait, notre partenariat avec le monde musulman est crucial non seulement pour faire reculer une idéologie violente que les gens réprouvent, quelle que soit leur foi, mais aussi pour offrir les meilleures chances possibles aux peuples musulmans.

Je veux aussi dire clairement que les relations de l’Amérique avec le monde musulman ne peuvent – et ne pourront – pas se réduire ) l’opposition au terrorisme. Nous recherchons un engagement plus large fondé sur l’intérêt et le respect mutuels. Nous allons écouter attentivement, dissiper les malentendus, et chercher des terrains d’entente. Nous nous montrerons respectueux, même lorsque nous serons en désaccord. Nous témoignerons notre profonde reconnaissance à l’islam pour son apport au monde à travers les siècles – y compris dans mon propre pays. Les Etats-Unis ont été enrichis par les Américains musulmans. Beaucoup parmi les autres Américains comptent des musulmans parmi leurs proches ou bien ont vécu dans des pays à majorité musulmane. Je le sais bien puisque je suis l’un d’eux.

Surtout, nous démontrerons à travers nos initiatives notre engagement pour un futur meilleur. Je veux aider plus d’enfants à bénéficier de l’instruction nécessaire pour réussir. Nous voulons promouvoir les systèmes de santé là où les populations sont vulnérables. Nous voulons renforcer les échanges et les investissements pour la prospérité de tous. Dans les mois qui viennent, je présenterai un programme spécifique destiné à atteindre ces objectifs. Nous allons nous concentrer sur ce que nous pouvons faire, en partenariat avec les peuples du monde musulman, pour faire avancer nos espoirs et nos rêves communs. Puisse-t-on dire dans quelques années à propos de l’Amérique actuelle qu’elle a tendu la main de l’amitié à tous les peuples.

Un vieux proverbe turc dit : « On ne peut éteindre un incendie avec des flammes. » L’Amérique le sait, la Turquie aussi. L’emploi de la force avec certains irréductibles est parfois nécessaire. Mais la force seule ne résoudra pas nos problèmes. Elle n’est pas une alternative à l’extrémisme. L’avenir doit appartenir à ceux qui construisent, pas à ceux qui détruisent. Tel est l’avenir que nous devons préparer, et nous devons le préparer ensemble. »

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