Scandale aux champs
Des responsables associatifs dénoncent de graves malversations au ministère de l’Agriculture.
C’est finalement le 24 avril que le tribunal de première instance de Yaoundé se prononcera sur la culpabilité de Bernard Njonga, directeur de La Voix du paysan et président de l’Association citoyenne de défense des intérêts collectifs (Acdic), et de ses huit « complices ». Une audience à laquelle leurs compagnons de lutte ont prévu de se rendre en nombre.
Bernard Njonga est poursuivi pour avoir troublé l’ordre public, le 10 décembre 2008, en organisant un rassemblement interdit par les autorités. La manifestation, qui a conduit neuf membres de l’Acdic à une brève incarcération, a débouché sur une procédure du parquet. À l’origine, le mouvement associatif avait lancé une campagne pour dénoncer la corruption et le clientélisme au ministère de l’Agriculture (Minagri). Selon l’Acdic, en deux ans, quelque 1,2 milliard de F CFA ont été détournés du Programme national d’appui à la filière maïs. Autre fait reproché : l’attribution des tracteurs offerts par l’Inde en 2006 à une cinquantaine de personnalités (ministres, hauts fonctionnaires, militaires et députés). Le président de la République, Paul Biya, a demandé à la Commission nationale anticorruption (Conac) de se saisir de l’affaire. Paul Tessa, son président, a longuement rencontré Bernard Njonga, le 13 décembre dernier, qui lui a livré les éléments recueillis par l’Acdic au cours d’une enquête qui a duré deux ans.
Les responsables du mouvement ont tout fait pour médiatiser leur procès. Le 22 janvier, Njonga a même fait venir son ami José Bové, l’altermondialiste français à la moustache grisonnante. Faute de visa, ce dernier a dû rester dans la zone internationale de l’aéroport de Yaoundé-Nsimalen, avant de repartir le lendemain pour Paris. Les audiences ont néanmoins permis de faire parler de l’affaire même si elles n’étaient pas consacrées, a priori, au fond du dossier.
À la fin de février, la Conac a remis son rapport d’enquête au président de la République. Selon des sources proches du dossier, ses conclusions seraient accablantes pour plusieurs hauts responsables du Minagri. De son côté, le vice-Premier ministre en charge de l’Agriculture, Jean Nkuete, a mis en place une commission anticorruption et a renforcé la tutelle de son administration sur la conduite des projets.
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