Quinze ans après l’apocalypse

Aux premières lueurs du jour, venues de toutes les collines de Kigali, des grappes humaines de Nyamirambo, de Kacyiru ou de Remera affluent à pied vers la colline de Nyanza. C’est ici que, le 7 avril 1994, le contingent de Casques bleus belges avait reçu l’ordre de se replier, abandonnant à leur sort plus de cinq mille Tutsis qui s’étaient placés sous leur protection. Ils seront les premières victimes d’un génocide qui fera près d’un million de morts.

Publié le 14 avril 2009 Lecture : 2 minutes.

Aujourd’hui, ce sont plus de vingt mille personnes qui s’apprêtent à célébrer le quinzième anniversaire de cette « faillite de l’humanité ». Pas de cortège. Officiels, corps diplomatique et invités feront, eux, une partie du trajet en autobus.

Chœur de gospel, témoignages d’un rescapé et d’un témoin américain… l’air est chargé d’émotion. Prières et méditations s’interrompent brièvement lorsque apparaît Rose Kabuye, chef du protocole du président Paul Kagamé et fierté nationale depuis ses déboires avec la justice française. Sollicitée de toutes parts, par la foule et les officiels, elle restera néanmoins à sa place : en ce moment de deuil et de souvenir, l’heure n’est pas aux acclamations.

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L’organisation de la cérémonie est parfaite, et la foule contenue avec intelligence. L’ambiance est lourde. La vue de rescapés portant les séquelles de cette barbarie inouïe ajoute à l’émotion. Des cris hystériques fusent. Des femmes, des hommes s’évanouissent. Ils sont immédiatement pris en charge par une nuée de bénévoles de la Croix-Rouge.

Portiques de sécurité, fouille au corps… la garde présidentielle veille sur la colline et la protection du site. Aux côtés du couple présidentiel, Cherie Blair, l’épouse de l’ancien Premier ministre britannique. Enterrement d’ossements de victimes du génocide, inauguration d’un mémorial où brûlera une flamme de l’Espoir et réalisation d’un immense jardin de pierres, fait d’un million de cailloux… À midi précis, on observe une minute de silence, durant laquelle des milliers de sanglots sont étouffés.

Le thème retenu par la Commission nationale de lutte contre le génocide (CNLG), organisatrice de l’événement, porte un titre éloquent : « Commémorons le génocide contre les Tutsis en luttant contre la banalisation et le négationnisme et en reconstruisant notre nation. »

L’intervention de Paul Kagamé sera dans la même veine. S’exprimant en kinyarwanda, il cite l’adage selon lequel « à l’épreuve du feu, la vérité ne brûle pas » pour s’en prendre à ceux qui « hier ont fait preuve de lâcheté, et aujourd’hui d’arrogance ». S’adressant aux rescapés, il évoque la difficulté de reconstruire sur des cendres et exhorte ses compatriotes à « regarder vers l’avenir ».

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La cérémonie prend fin vers 13 h 30. Les grappes humaines se réapproprient les routes et les pistes pour regagner leur colline. Quelques heures de repos, et les mêmes processions se reformeront. Direction : le stade Amahoro, pour une veillée de prières.

Durant cette semaine de deuil, les drapeaux sont en berne. Kigali et les autres provinces ont renoncé à la musique et aux fêtes familiales. Les fantômes du génocide n’ont pas fini de hanter le pays des Mille Collines.

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