Anders Fogh Rasmussen

Premier ministre danois, futur secrétaire général de l’Otan

Publié le 14 avril 2009 Lecture : 4 minutes.

Ça ne pouvait plus mal commencer. Fraîchement désigné secrétaire général de l’Otan (Organisation du traité de l’Atlantique Nord), et pas encore entré en fonctions (sa nomination ne prendra effet que le 1er août), Anders Fogh Rasmussen s’est déjà pris les pieds dans le tapis. L’ancien Premier ministre danois, qui participait au deuxième forum du Sommet de l’Alliance des civilisations, le 6 avril, à Istanbul, a lourdement chuté dans les escaliers de son hôtel et est apparu à la tribune le bras en écharpe et l’épaule démise. Les esprits superstitieux y verront un signe du destin. Ankara avait tenté de s’opposer à son élection, avant de se raviser pour ne pas gâcher le soixantième anniversaire de l’Organisation. Les Turcs reprochent au Danois ses prises de position « équivoques » pendant l’affaire des caricatures de Mohammed, douze dessins jugés offensants pour le Prophète, publiés en 2005 par un tabloïd local, qui avaient déclenché la colère des musulmans. Et que le très libéral Rasmussen avait refusé de désavouer, arguant du sacro-saint principe de la liberté d’expression.

À 56 ans, cet économiste est à la tête d’un gouvernement de droite, minoritaire, mais qui gouverne depuis novembre 2001 – grâce à l’appui du DF, le Parti populaire danois – une formation d’extrême droite ouvertement xénophobe. Celui que ses compatriotes ont pris l’habitude d’appeler « Fogh » (les Rasmussen sont légion au royaume du Danemark…) rêvait d’un grand poste international. Député à 25 ans, ministre à 34, président du Parti libéral et chef de l’opposition à partir de 1998, ce sportif accompli, réputé austère mais possédant un charisme certain, avait fait de la réduction du coût de l’État-providence son cheval de bataille. Un positionnement osé dans un pays de vieille tradition sociale-démocrate, mais qui finit par payer en 2001. À la surprise générale, « Fogh » devance de justesse la gauche, s’allie avec les infréquentables du DF et obtient une majorité au Parlement. Au gouvernement, il taille dans les dépenses, mais se révèle finalement plus pragmatique qu’idéologue. Politicien sans états d’âme, il durcit considérablement les conditions d’accueil et de séjour des étrangers et érige toute une série d’obstacles, souvent insurmontables, au regroupement familial.

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Crédité d’un bon bilan économique, il est reconduit dans ses fonctions à deux reprises, la dernière fois en novembre 2007. Mais il commence à se sentir à l’étroit à Copenhague et songe un temps à la présidence de la Commission de l’Union européenne (UE), car il se murmure que le Portugais José Manuel Barroso pourrait être lâché par certains grands pays, mécontents de sa gestion prudente de la crise financière. Considéré comme l’un des artisans de l’élargissement de l’Union à l’Est, entériné à Copenhague alors que le Danemark présidait l’UE, il peut compter sur les voix des nouveaux membres. Autre atout : son aisance en anglais et en français, langue qu’il parle parfaitement. Mais son profil droitier et le souvenir du « non » danois au référendum sur le traité de Maastricht, en 1992, plombent ses chances. La bataille s’annonçant incertaine, il jette son dévolu sur le secrétariat général de l’Otan.

Rasmussen a effectivement quelques titres à faire valoir. C’est un atlantiste convaincu. « Un bon petit soldat de Washington », disent ses adversaires. Proche de George W. Bush, qu’il a rencontré à huit reprises, un record pour un dirigeant danois, il a été de tous les combats du président américain, envoyant des troupes faire la guerre à Bagdad, Kaboul et Kandahar. Avec un contingent de 700 soldats – dont 22 tués –, le petit royaume scandinave est, proportionnellement à sa population, le membre européen de l’Alliance qui a consenti le plus gros effort en Afghanistan.

Rasmussen sait que son statut de dirigeant en exercice d’un pays de l’Alliance et les soutiens dont il bénéficie du côté de Washington, Paris ou Londres lui permettront d’écarter facilement le titulaire du poste, le Néerlandais Jaap de Hoop Scheffer. Reste à surmonter les réticences turques. Entre Copenhague et Ankara, le passif est lourd. Rasmussen s’est vigoureusement opposé à l’entrée de la Turquie dans l’UE. Son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan, lui, n’a toujours pas digéré l’épisode des caricatures du Prophète, qui ont heurté sa sensibilité de musulman, et a brandi la menace d’un veto. Le président américain Barack Obama doit finalement monter au créneau lors du sommet de Strasbourg-Kehl, le 4 avril. Il s’entretient en aparté avec le dirigeant turc, et l’amadoue. Erdogan, conscient de son isolement, cède, et se console avec la promesse qu’un Turc accéderait bientôt au secrétariat général adjoint de l’organisation.

En habile diplomate, Rasmussen s’est employé, dès sa nomination acquise, à donner des gages à Ankara. En expliquant, par exemple, que le gouvernement danois pourrait envisager la fermeture de la télévision kurde Roj TV, émettant depuis Copenhague, si les Turcs apportaient la preuve de ses liens avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). À Istanbul, il s’est fendu de belles paroles à destination des musulmans, affirmant son « profond respect pour l’islam et ses symboles » et promettant de prêter « une grande attention » pendant son mandat aux sensibilités culturelles et religieuses. Pas sûr que ces déclarations suffisent à dissiper toutes les réserves à son égard.

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En réalité, sa nomination ne changera pas grand-­chose au contenu de la politique de l’Alliance atlantique, car le secrétaire général de l’Otan est davantage une voix et un visage pour l’Organisation qu’un décideur. Elle n’en reste pas moins catastrophique sur le plan symbolique. Pourquoi diable Barack Obama s’est-il senti obligé de faire le forcing pour celui qui était avant tout l’ami de son adversaire George W. Bush ? Sans doute parce que, qu’on le veuille ou non et s’agissant de l’Otan, le critère de la loyauté aveugle aux États-Unis passe avant toute considération partisane ou idéologique.

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