Et si Mr Quick était africain ?
Pour un homme de l’ombre, c’est une bourde aveuglante. Descendre de son véhicule face aux photographes qui mitraillent tous ceux qui entrent et sortent du 10, Downing Street, résidence du Premier ministre britannique, avec bien en vue un dossier ultra-secret dont les moindres détails ne pouvaient échapper aux objectifs, cela ne pardonne pas. Robert Quick, chef de l’antiterrorisme à Scotland Yard, venu briefer Gordon Brown sur l’opération Pathway – un vaste coup de filet anti-Al-Qaïda dans le nord du royaume – et qui avait oublié de cacher ses documents sous une chemise, en a fait l’amère expérience. Le 9 avril, au lendemain de sa bêtise XXL, il a remis sa démission.
Existe-t-il des Bob Quick sur le continent ? Rêvons un peu. Yassine Mansouri, le patron des renseignements marocains, exhibant une carte de l’implantation des cellules salafistes à l’entrée du Palais de Rabat. Le général Mohamed Mediene, directeur des services secrets algériens, photographié s’engouffrant à El-Mouradia avec le dernier sondage top secret sur le taux de participation à la présidentielle. Souheil El Allani, le chef de la Sûreté d’Etat tunisienne, surpris aux grilles du Palais de Carthage avec le dernier rapport sur les réseaux islamistes. Bienvenu Obelabout, patron du contre-espionnage camerounais, laissant échapper sur les marches d’Etoudi le dossier des prochaines cibles de léopération Epervier. Le colonel Jean-Pierre Lorougnon, directeur de l’Ansi ivoirienne, sortant du Palais de Cocody et prenant la pose avec un document ultra-confidentiel sur lequel on peut lire : « La vérité sur l’affaire Kieffer, le bombardement de Bouaké, les caisses noires et autres patates chaudes. » Darwezi Mukombe, manitou de la redoutée Agence nationale de renseignements congolaise, exposant devant les caméras les comptes rendus d’écoutes téléphoniques de Vital Kamerhe. Jean-Dominique Okemba, patron, de l’autre côté du fleuve, du Conseil national de sécurité, étalant à la porte de la résidence de Mpila les secrets de la stratégie électorale de son chef…
On peut rêver, effectivement, d’une Afrique sans secrets d’Etat, mais on rêve éveillé. D’abord parce que ces messieurs sont tous des professionnels moins étourdis que ce pauvre Mr Quick. Surtout, parce qu’il n’y a jamais eu de photographes en faction devant les palais et les présidences du continent. Les paparazzi suicidaires, ça n’existe pas…
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