L’affaire El-Béchir expliquée à ceux qui ne connaissent pas La Haye

Publié le 8 avril 2009 Lecture : 2 minutes.

En 1907, un congrès international se tint à La Haye pour éliminer définitivement la guerre. Les congressistes arrivèrent le sourire aux lèvres, bouffis de bonté, animés d’un inextinguible amour du prochain. Les premiers jours, tout fut exquis. Les adversaires d’hier tombaient dans les bras l’un de l’autre, les ennemis héréditaires s’embrassaient sur la bouche, le lion et l’agneau se promenaient bras dessus, bras dessous dans les couloirs.

Mais, petit à petit, un ennui insidieux s’empara du Congrès pour la paix. Il faut dire que La Haye en 1907 n’était pas la plus joyeuse des villes. Tous les commerces fermaient exactement à 17 heures, il n’y avait ni bar ni boui-boui ni combat de coqs ni cabaret ni corridas ni lancer de nains ni comédies ni cirque ni lupanar ni chabanais ni cage aux folles – le pays est calviniste. Le dimanche, la ville mourait en silence, les canaux gelaient, le ciel bas et lourd pesait comme un couvercle, et il ne restait plus qu’à aller se pendre au réverbère le plus proche.

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Au bout de quelques semaines de séjour à La Haye, une immense clameur s’éleva dans la salle de conférences, poussée par mille pacifistes rendus fous par l’oisiveté : « La guerre ! Vive la guerre ! Tout plutôt que cet effroyable ennui ! »

Et c’est pourquoi on eut la guerre de 14-18 et son cortège de malheurs.

Cent ans après, la ville n’a pas changé et c’est ainsi que je m’explique l’affaire El-Béchir. Ocampo, que j’ai rencontré deux ou trois fois lors de cocktails d’ambassades, est un homme pressé, séducteur, ambitieux, curieux de tout. Mais dès qu’il arrive à La Haye, c’est comme si on le plongeait dans un interminable bain tiède, dans une monotonie à braire de désespoir. La seule distraction, à La Haye, consiste à regarder le ciel changer de couleur : du gris sombre au gris perle et vice versa. Ocampo, rendu fou par la ternitude, la mornitude et l’insipiditude des jours qui se suivent et se ressemblent, écume de rage et frappe un grand coup sur son bureau :

– « Quelqu’un ! Je vais me payer quelqu’un, bordel, fût-il président ! Un scandale ! Tout plutôt que cet effroyable ennui ! »

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Et c’est pourquoi on a maintenant cette étrange guerre déclarée à un Soudanais par un Argentin qui souffre tout simplement de morfonditude hollandaise.

Une seule solution : transporter Ocampo et les juges loin de La Haye, à Pigalle, à Disneyland ou dans le West-End londonien, n’importe quel endroit où on s’amuse et ou on se distrait. C’est ainsi que la calmitude reviendra dans les relations internationales…

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