Ziegler réhabilite l’Etat-nation
L’homme est connu pour sa dénonciation récurrente – et justifiée – des méfaits du capitalisme mondial et des multinationales. Aussi est-ce d’abord avec circonspection qu’on accueille La Haine de l’Occident, le nouveau livre de Jean Ziegler. Que peut dire cet imprécateur de talent qu’on ne sache déjà ? À force d’instruire le procès du Nord, n’a-t-il pas épuisé la veine ?
Or, justement, la bonne surprise du livre est là. L’ancien rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à l’alimentation ne se complaît pas dans le réquisitoire. S’il rappelle les origines historiques de la haine que le Sud nourrit envers le Nord – esclavage, colonisation –, c’est pour énoncer aussitôt les moyens de la transcender.
Partout où la décolonisation n’a laissé que ruines et corruption, explique Ziegler, il est urgent que les peuples reconquièrent leur identité nationale. Une conviction fondée, pour l’essentiel, sur un exemple latino-américain : celui du président bolivien, Evo Morales, qui marie revendications identitaires – à travers la question indienne – et indépendance nationale.
La nation, voilà l’espoir. C’est, en filigrane, à un étonnant éloge du Valmy de la Révolution française que se livre Ziegler. Car, pour lui, une course de vitesse est engagée entre le repli communautaire, ethnique ou religieux, et l’affirmation nationale. Ou bien les États-nations du Sud s’affirment comme tels, ou bien la désagrégation se poursuit, abandonnant le Sud à un pillage sans limites. Un propos souverainiste, à rebours du prêt-à-penser ambiant, qui se révèle singulièrement stimulant.
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