L’Afrique dans la ligne de mire d’Eutelsat
L’opérateur européen de satellites veut gonfler de 50 % sa capacité africaine d’ici à 2015. Le passage au numérique des télévisions du continent pourrait lui offrir de belles perspectives de revenus.
Mi-mai, c’est depuis le centre de contrôle de Rambouillet, près de Paris, que les ingénieurs d’Eutelsat écriront une nouvelle page du développement africain de l’opérateur de satellites, en assurant la mise en orbite d’Eutelsat 3D. Quelques dizaines de minutes auparavant, l’engin, 5,3 tonnes de technologie pure, aura été lancé de Baïkonour, au Kazakhstan. Sur une flotte comptant 31 satellites, 30 couvriront alors l’Afrique, offrant des services de communication aux télévisions, aux opérateurs télécoms et plus modestement aux gouvernements.
Le chiffre d’affaires réalisé sur le continent est loin d’être anecdotique : 89,2 millions d’euros en 2011, si l’on se fonde sur les données du cabinet Euroconsult. Soit une part non négligeable des revenus globaux (1,2 milliard d’euros en 2012) de la compagnie. « Nous réinvestissons chaque année 40 % de notre chiffre d’affaires. D’ici à la fin de 2015, nous allons lancer sept satellites, et chacun coûte environ 250 millions d’euros », affirme Frédérique Gautier, responsable de la communication d’Eutelsat. Entre 2012 et 2015, la capacité déployée par le numéro trois mondial va croître de 50 % en Afrique, contre 23 % pour l’ensemble de la flotte du groupe.
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Bouquet
Créé en 1977 sous la forme d’une coopérative réunissant les États européens, Eutelsat a lancé ses opérations en Afrique au début des années 2000, à la faveur de la couverture des territoires français de l’océan Indien. Une orientation stratégique immédiatement récompensée par la signature d’un contrat avec le bouquet de télévision sud-africain DSTV. Leader sur le créneau de l’audiovisuel, Eutelsat achemine aujourd’hui plus de 50 % des 1 300 chaînes satellitaires disponibles sur le continent. Parmi ses clients, le bouquet lusophone Zap ou encore l’indien Airtel.
On estime que seulement 35 % des foyers africains reçoivent la télévision, contre 85 % en Amérique du Sud. D’où le potentiel encore très important du marché audiovisuel. « À la dynamique des bouquets payants s’ajoute aujourd’hui l’émergence de la TNT [télévision numérique terrestre, NDLR]. Nous en avons accompagné les premières initiatives avec le service du chinois StarTimes, lancé en 2010 et qui réunit aujourd’hui près de 100 chaînes », indique Frédérique Gautier. La transition de l’analogique vers le numérique doit maintenant être mise en oeuvre par les États africains. Le Nigeria, l’Afrique du Sud, le Kenya, le Ghana, l’Ouganda et le Rwanda devraient faire migrer leurs télévisions avant fin 2015.
Qui utilise les satellites ?
– Les chaînes de télévision y ont recours pour rapatrier vers la régie leurs reportages réalisés sur le terrain, puis pour diffuser leurs programmes vers les foyers de leurs abonnés ou vers les têtes de réseaux terrestres (TNT, ADSL, câble).
– Les satellites sont aussi utilisés pour offrir des services télécoms (voix, internet, visioconférences) partout où les infrastructures terrestres sont absentes ou peu développées, soit comme réseau principal, soit comme filet de sécurité pour assurer la continuité du service en cas d’incident. J.C.
« Le satellite peut à la fois faciliter le maillage des territoires en reliant deux émetteurs, et compléter la couverture nationale en offrant une réception directe dans les zones reculées », explique Magaly Nicolas-Nelson Lenoir, directrice des missions Afrique subsaharienne. Le message a fait mouche en Algérie, où le groupe a décroché en mars un contrat pour accompagner le déploiement de la TNT. En attendant la généralisation de cette technologie, Eutelsat propose gratuitement depuis 2011 un bouquet de chaînes publiques au sud du Sahara. L’objectif pour l’opérateur est d’avoir un maximum de paraboles pointées sur ses positions orbitales. L’audience du satellite devient alors un excellent argument commercial pour séduire de nouveaux diffuseurs de bouquets gratuits ou payants.
« Triple play »
Les services télécoms (voix et internet) constituent la deuxième source de revenus d’Eutelsat. Cette activité, en pleine progression en Afrique, est notamment tirée par les besoins du secteur des hydrocarbures, des banques qui déploient leurs agences à l’intérieur des pays et des opérateurs télécoms pour assurer l’interconnexion de leurs réseaux. Selon Euroconsult, le nombre de VSAT (paraboles permettant d’émettre et de recevoir) devrait passer de 65 000 à plus de 230 000 d’ici à 2021 en Afrique.
Eutelsat s’intéresse aussi à la clientèle des particuliers. Grâce à son offre IP Easy, le groupe propose en Afrique subsaharienne depuis mai 2012 un accès à internet compris entre 29 et 60 euros par mois, pour un débit allant de 512 Ko à 4 Mo. S’il compte seulement quelques milliers d’utilisateurs, ce service constitue un appel du pied aux diffuseurs télé qui voudraient développer un package triple play associant internet, télévision et téléphone. La démocratisation des services satellite restera cependant encore très hypothétique tant que la plupart des États africains continueront à fortement taxer le matériel de réception.
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