Paix armée au Nord-Kivu

De Goma aux collines du Masisi, la province, minée par les affrontements entre forces armées et groupes rebelles, a retrouvé un semblant de calme. Et tente de tourner la page.

Publié le 7 avril 2009 Lecture : 4 minutes.

La route de Sake, qui traverse Goma d’est en ouest, est un piège pour les voyageurs. Tous les jours de la semaine, matin et soir, la principale voie d’accès à la capitale du Nord-Kivu offre le même spectacle : de longues files de véhicules – 4×4, motos ou taxis – bloquent le passage. Les conducteurs prennent leur mal en patience et zigzaguent entre les nids-de-poule pour échapper aux bouchons. « Si les autorités parviennent à élargir cette voie, ces embouteillages aux heures de pointe disparaîtront », explique un habitant de Goma.

À la sortie de la ville, une fois cette épreuve passée, nous partons pour les territoires de Rutshuru et du Masisi, hier encore en proie à de violents combats. Sur une bonne partie des 28 kilomètres qui séparent Goma de Sake, la route offre le même spectacle. Des habitations en bois ou en briques, des camps de déplacés de guerre, reconnaissables à leurs abris de fortune recouverts de toiles multicolores. « Il est encore difficile de savoir combien de personnes ont pu regagner leur terre d’origine depuis la fin de Umoja Wetu, l’opération conjointe menée en janvier et février par les troupes rwandaises et congolaises », déclare l’un des responsables du camp de Mugunga. D’après lui, depuis le « retour de la paix », des élus de la province ont sillonné les camps pour sensibiliser au retour les déplacés. « Mais beaucoup veulent d’abord que les choses s’éclaircissent », poursuit-il. Des véhicules ont été mis à la disposition des familles qui souhaitent repartir. « On assiste à des va-et-vient, les gens ont encore peur des miliciens des Forces démocratiques de libération du Rwanda [FDLR]. »

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Le long de la route de Sake se succèdent de multiples petits commerces informels, seul moyen pour de nombreuses familles d’assurer leur survie. Quelques femmes reviennent des champs, le dos courbé sous le poids de fagots de bois. Au loin, des collines couvertes de verdure et de brume entourent les eaux tranquilles du lac Kivu. Une étrange fumée, d’une blancheur immaculée – du gaz qui s’échappe des entrailles du lac –, plane à quelques mètres au-dessus des eaux.

Arme en bandoulière

À Sake, sur la place du marché, des enfants courent en tous sens. De jeunes soldats apparemment désœuvrés, déambulent, l’arme en bandoulière, dans l’indifférence, semble-t-il, de la population. Pourtant, il n’y a pas si longtemps, les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et l’ancienne rébellion du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) se regardaient en chiens de faïence à Sake, sous l’arbitrage des Casques bleus de la Monuc (Mission des Nations unies en RD Congo). Aujourd’hui, la zone neutre qui séparait les deux camps a disparu. Ces jeunes « soldats » appartiennent désormais à l’armée nationale, « parce qu’il n’y a plus de rebelles depuis l’opération Umoja Wetu. Ils attendent de connaître leur prochain cantonnement », affirme un gradé des FARDC.

Le véhicule s’engage sur une route de terre qui serpente en direction du Masisi, l’un des ex-bastions du CNDP. La voie est empruntée par des camions surchargés qui se dirigent vers Goma et des cyclistes, à pied, dont les vélos sont chargés de sacs de charbon de bois. Les noms des localités défilent : Kibati, poste avancé de l’ancien chef militaire du CNDP, le général Bosco Ntaganda ; Kirolirwe, où des commerçants venus de Goma tiennent quelques échoppes.

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Voisinage avec Laurent Nkunda

Le convoi emprunte soudain un petit sentier sur la gauche. Il dépasse une guérite vide, avant de s’arrêter devant une barrière. Au-dessus, une planche porte une inscription en anglais : Quartier général du CNDP. À gauche de la planche, l’ancien drapeau du Zaïre. À droite, une devise : « Unité, Justice, Développement ». Nous sommes à Tebero, l’un des deux quartiers généraux de Laurent Nkunda. L’ancien chef du CNDP y a été vu pour la dernière fois en décembre 2008. Un voisin, occupé à traire ses vaches, témoigne : « Nous vivions en bonne intelligence avec Nkunda. Il n’a jamais pris notre bétail, mais nous lui donnions du lait. Après son arrestation, nous avons eu peur car nous nous demandions ce qui allait nous arriver. Maintenant, avec la présence de la police, nous sommes rassurés. Nous préférons la police à l’armée. »

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À Goma, la vie suit son cours. Le général John Numbi, qui a coordonné l’opération Umoja Wetu, est formel : « Tous les militaires rwandais sont rentrés chez eux. » Certains Congolais en doutent, affirmant que « neuf bataillons ne peuvent pas se replier en si peu de temps ». « L’opération nous a beaucoup aidés, même si elle n’a pas réussi à éliminer les FDLR. Nous avons néanmoins le contrôle du terrain, et nous pouvons aller partout », assure Julien Paluku Kahongya, le gouverneur du Nord-Kivu. Dans les rues, on croise toujours des militaires armés, ce qui ne manque pas d’inquiéter la population. Pour le gouverneur, l’important est maintenant de trouver des solutions au chômage des jeunes, et éviter ainsi la reconstitution de milices. Ces milices qui ont tant fait souffrir le Kivu.

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