1 000 milliards pour refaire le monde
Face à la gravité de la crise, ils étaient condamnés à s’entendre et à obtenir des résultats. Réunis à Londres le 2 avril, vingt représentants de pays développés et émergents ont posé les bases d’un nouvel ordre économique planétaire.
La réunion du G20 à Londres, le 2 avril, aura été un succès, y compris et notamment en matière de communication. Les leaders des vingt pays développés ou émergents, représentant 85 % de la richesse et 65 % de la population de la planète, ont annoncé qu’ils étaient parvenus à jeter les bases d’un nouvel ordre économique et financier mondial.
Ce travail était aussi indispensable que périlleux. Indispensable pour apaiser la crise qui fait rage et éviter que ce scénario ne se reproduise. Périlleux tant les divergences étaient grandes entre les États-Unis, qui voulaient plus de relance et moins de régulation, les Européens, qui exigeaient plus de régulation et rechignaient à une nouvelle relance, et les Chinois, qui souhaitaient remettre en question la prééminence du dollar (voir encadré p. 15) tout en refusant la publication d’une liste noire des paradis fiscaux où pourrait figurer Hong-Kong.
Première avancée du G20 : le rappel que « la prospérité est indivisible ». Autrement dit, « la croissance, pour être durable, doit être partagée ». Après vingt ans d’ultralibéralisme et huit ans de présidence Bush, ces mots signifient que le multilatéralisme et le dialogue international sont de retour.
Ensuite, le G20 a décidé de constituer un stock considérable de « munitions » contre la crise : 1 100 milliards de dollars au total. Dont 500 milliards seront affectés aux réserves du Fonds monétaire international (FMI) pour lui permettre de prêter aux pays dont la monnaie et les balances de paiements sont en péril ; 250 milliards de droits de tirage spéciaux répartis entre les 185 États membres du FMI qui pourront s’en servir en cas de danger ; 100 milliards pour les Banques de développement multilatérales (Banques africaine, asiatique et interaméricaine de développement) ; enfin, 250 milliards pour soutenir le commerce des pays en développement, étranglé par les restrictions de crédit.
Fini les paradis fiscaux
Comparée à cette cataracte de dollars, la vente de 403,3 tonnes d’or du FMI, qui permettra d’octroyer aux pays les plus pauvres 6 milliards de dollars de prêts supplémentaires à des taux très faibles, paraît presque anecdotique.
À ces soutiens, le G20 a rajouté 5 000 milliards de dollars, qui seront dépensés avant la fin de 2010 pour soutenir la croissance mondiale. Toutefois, le montant exact de cette somme reste à préciser, car il semble que certains États y aient intégré leurs propres plans de relance, lesquels contiennent parfois des mesures nouvelles, mais aussi la reprise de vieux projets d’infrastructures, comme en France ou en Chine.
Autre innovation, la régulation est de retour. Les fauteurs de pagaille seront surveillés d’un peu plus près. Les fonds spéculatifs, les fameux hedge funds, feront l’objet d’une supervision comparable à celle des établissements bancaires. Les agences de notation devront s’inscrire officiellement auprès des autorités de régulation nationales pour que l’on puisse vérifier qu’elles ne cèdent à aucun favoritisme au profit de leurs meilleurs clients et qu’elles respectent un code de bonnes pratiques.
Enfin, des mesures seront prises contre les paradis fiscaux. Le communiqué final du G20 prend soin de préciser que « l’ère du secret bancaire a vécu ». Le président français, Nicolas Sarkozy, et la chancelière allemande, Angela Merkel, ont gagné : l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a publié une première liste de « l’enfer », où figurent les quatre pays (Costa Rica, Malaisie, Philippines et Uruguay) qui se refusent toujours à livrer des informations au fisc des autres États.
Grand gagnant de ces chamboulements économiques et techniques, le FMI a été chargé d’un rôle de vigie pour prévenir ses États membres des dangers de certaines de leurs politiques et des menaces de crises qui se profileraient à l’horizon. Avec le Forum de stabilité financière (élargi à l’ensemble des pays du G20 et baptisé Conseil de stabilité financière), il devra s’assurer que les acteurs financiers ne prennent pas de risques excessifs comme ils l’ont malheureusement fait pendant vingt-cinq ans.
Un pas de plus a été franchi dans le sens d’une meilleure représentation des pays en développement au sein des instances dirigeantes du FMI et de la Banque mondiale. Les réformes décidées l’année dernière seront accélérées ; par exemple, les 10 % de droits de vote au FMI qui devaient être transférés des pays du Nord vers les pays du Sud d’ici à 2014 le seront avant 2011.
Autres décisions, hautement symboliques : le président de la Banque mondiale ne sera plus obligatoirement un Américain, ni le directeur général du FMI un Européen. Les successeurs de Robert Zoellick et de Dominique Strauss-Kahn seront désignés « selon une procédure de sélection ouverte, transparente et basée sur le mérite », comme cela se fait pour l’ONU ou l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
À côté de ces annonces politiques fortes, donnant largement satisfaction à l’Union africaine, qui les avait réclamées à l’ouverture du G20 dans un document intitulé « Position commune pour l’Afrique », le rappel des promesses faites depuis 2000 (Objectifs du millénaire ou déclaration de Gleneagles) de diviser par deux la pauvreté dans le monde et de multiplier par deux les fonds destinés à l’Afrique saharienne d’ici à 2015 semble très convenu.
Mais cela ne semble pas grave tant le FMI, la Banque mondiale, la Banque africaine de développement, la Banque asiatique de développement et la Banque interaméricaine de développement sont désormais bardés de moyens financiers pour éviter que la récession ne réduise à néant les bienfaits d’une croissance mondiale forte depuis dix ans. Il faudra s’en assurer lors du prochain sommet du G20, qui, en septembre à New York, continuera à ériger, sur les fondations posées à Londres, les murs d’un nouvel ordre mondial.
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