Gabon : urgence dans le logement

Les piliers du projet présidentiel ne tiendraient pas longtemps sans fondations solides. Et l’une de celles sur lesquelles le chef de l’État est le plus attendu reste le plan national « Un logement pour tous ».

Un lotissement à Okala, en banlieue de la capitale (livré en 2011). © Tiphaine Saint Criq/JA

Un lotissement à Okala, en banlieue de la capitale (livré en 2011). © Tiphaine Saint Criq/JA

Publié le 24 avril 2013 Lecture : 5 minutes.

Adapter le pays aux évolutions de l’urbanisation est un défi herculéen : 75 % de son million et demi d’habitants résident aujourd’hui dans les villes (dont 40 % dans la capitale), où le Gabon doit construire 200 000 logements pour remplacer les matitis et les mapanes, ces bidonvilles périurbains où les notions de cadastre et d’urbanisme n’ont pas droit de cité. En 2009, le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) estimait que « 80 % de la population de Libreville [vivait] dans des conditions d’insalubrité, d’insécurité foncière, de précarité de l’habitat et de sous-intégration, par rapport aux équipements urbains actuels ».

Promesses

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Sur les 200 000 logements nécessaires, le président Ali Bongo Ondimba s’était engagé en 2009 à en construire 35 000 d’ici à la fin de son mandat, soit une moyenne de 5 000 nouvelles unités par an. À mi-parcours, l’objectif est très loin d’être atteint. Quelques centaines d’habitations ont commencé à être livrées ici et là, mais la plupart des lotissements prévus dans l’ensemble du pays n’ont pas encore émergé.

Des retards qui sont devenus l’un des chevaux de bataille favoris de l’opposition pour fustiger la politique présidentielle. « Le chef de l’État avait promis 5 000 logements par an. On est passé à 3 000, puis 1 000, puis 500… Pendant ce temps, des Gabonais doivent se creuser des terriers dans des décharges ! » raille Richard Moulomba, président de l’Alliance pour la renaissance nationale (Arena). Au Palais du bord de mer, on reconnaît ce retard, lié notamment à des questions foncières, mais on assure mettre les bouchées doubles pour que le temps perdu soit bientôt rattrapé.

Au programme

Plusieurs ensembles de logements sont en cours dans la capitale, notamment à la Mondah (150  maisons), et, début 2013, BGFI Bank a octroyé un prêt de 100 milliards de F CFA (152,5 millions d’euros) sur trois ans à la Société nationale immobilière (SNI) pour financer la construction de plus de 3800 logements répartis entre les villes d’Owendo, Franceville, Moanda, Lambaréné, Mouila,Tchibanga, Makokou, Koula- Moutou, Port-Gentil et Oyem, dont environ les deux tiers en accession à la propriété et le reste en locatif.
Cécile Manciaux

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Droit foncier

François Parmantier, le directeur de l’Agence française de développement (AFD) à Libreville, qui gère notamment des programmes de coopération dans le domaine des infrastructures, porte un regard moins passionné sur le sujet : « On est confrontés à la conséquence de plusieurs dizaines d’années de défauts d’investissements dans ce secteur. Les acteurs, étatiques ou privés, ont été mobilisés en urgence, et ce souci de rapidité a pu conduire à ne pas faire les choses dans l’ordre au niveau de la gestion administrative et des infrastructures. » Parmi les premiers à s’être installés, il y a un an et demi, dans un lotissement neuf d’Okala, en banlieue de la capitale, Laurent dresse un constat désabusé : « Les canalisations ont éclaté, et j’ai dû installer des citernes d’eau dans mon jardin. Le compteur électrique n’a toujours pas été posé, et nous devons nous alimenter sur le compteur de l’agence immobilière… »

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Autres causes de retard, mises en exergue par Jim Dutton, le directeur de l’Agence nationale des grands travaux (ANGT, lire p. 91), l’urgence de réaliser dans les temps les infrastructures pour l’accueil de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) 2012, ainsi que les problèmes de cadastre et de droit foncier, qui ont contraint à éradiquer l’habitat informel avant de pouvoir viabiliser les terrains sur lesquels les nouveaux lotissements doivent être construits. Mais à l’ANGT comme à la présidence on assure que les fondations des programmes prévus dans le plan national « Un logement pour tous » sont désormais solidement posées.

Angondjé l’arlésienne

Les terrains enfin viabilisés, les premières maisons de la ville nouvelle devraient être livrées cette année, avec plus de un an de retard.

Les deux coquilles du Stade de l’amitié sino-gabonaise pointent à l’horizon. Sur un côté de la route impeccable qui mène à la zone des nouveaux lotissements d’Angondjé, dans le nord de Libreville, s’alignent des magasins d’ameublement, des dépôts de matériaux de construction et de belles villas toutes neuves aux tons ocre et pastel, des maisons construites par des particuliers qui ont rapidement vu l’intérêt d’investir dans ce nouveau périmètre résidentiel, présenté à grands renforts de communication comme le quartier idéal. Mais où sont les lotissements exemplaires annoncés ?

De l’autre côté de la route, des terrains vagues. Sur certains, délimités par des barrières aux couleurs de Socoba-EDTPL (filiale du groupe Jean Lefebvre), quelques bulldozers arasent des surfaces marécageuses. Tel un phare, le stade (autour duquel le quartier doit prendre corps) domine pour l’instant un océan d’herbes hautes. À chacun des ronds-points qui jalonnent le parcours, on hésite sur la voie à suivre. On passe devant les pavillons de l’Institut de cancérologie, un complexe hospitalier flambant neuf, la route semble se noyer dans une grande mare rouge de latérite, quand soudain, derrière un alignement de conteneurs bleus, apparaissent de grands squelettes d’immeubles en poutres d’acier sur lesquels des ouvriers, arborant casques et gilets fluos, greffent un épiderme en plaques de matériaux composites. C’est là que Dorce, spécialiste turc du préfabriqué, commence à assembler les premiers des 598 logements qu’il doit bâtir, pour 2 000 habitants.

Préfabriqué

Alors qu’en mai 2012 le directeur de l’Agence nationale des grands travaux (ANGT), Henri Ohayon, annonçait que 1 000 logements sociaux seraient livrés en décembre et que 5 000 autres le seraient en 2013, son successeur, Jim Dutton, se montre beaucoup plus réaliste. Il table sur la construction de 1 000 logements à Angondjé cette année, soulignant que deux entreprises turques sont à pied d’oeuvre – peut-être bientôt une troisième -, et que le recours au préfabriqué (qui ne sera pas systématique) permet une grande rapidité d’exécution et des coûts modérés. Et à ceux qui s’interrogent sur l’éventuelle inadaptation de ces préfabriqués aux terrains marécageux et aux rigueurs du climat, l’ANGT précise que les matériaux ont été soigneusement choisis en fonction de ces contraintes.

Sur une partie du site, une vingtaine de maisons témoins, coquettes et soignées, individuelles ou collectives, sont présentées aux visiteurs, en prélude à celles qui seront construites en série dans les mois à venir selon les principes du développement durable édictés par le SmartCode, un modèle international de développement urbain, qui place l’aménagement durable au centre des priorités. Les lotissements d’Angondjé étant eux-mêmes censés servir de modèle aux nouveaux logements qui doivent être construits dans tout le pays, puissent les difficultés qu’ils ont rencontrées servir, aussi, de leçon pour le déroulement des futurs chantiers. L.S.P.

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