Est-ce l’aube de la paix ?

Publié le 6 avril 2009 Lecture : 5 minutes.

Toute personne bien informée et honnête vous le dira : s’il traite fort mal sa minorité arabe (20 % de la population), l’État d’Israël est, depuis soixante ans, pour sa majorité juive, une incontestable démocratie. Présidée aujourd’hui par Shimon Pérès, Prix Nobel de la paix, pour son rôle dans la signature des accords d’Oslo entre Itzhak Rabin et Yasser Arafat, en septembre 1993.

Eh bien cette démocratie vient de confier la direction de son gouvernement… au fossoyeur de ces mêmes accords : Benyamin Netanyahou. Chef de la droite israélienne, « Bibi », comme on l’appelle là-bas, est le Premier ministre d’Israël depuis le 1er avril.

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Il continue d’afficher son opposition à la création d’un État palestinien, tout en sachant comme tout le monde que, sans cet État, il n’y aura pas d’accord de paix entre son pays et ses voisins arabes. Et pour montrer qu’il ne se soucie ni de l’opinion publique mondiale ni de la sensibilité arabe, il a confié le ministère des Affaires étrangères à Avigdor Lieberman.

Anti-arabe déclaré, raciste, d’extrême droite, poursuivi par la justice de son pays pour des infractions caractérisées, ce Jean-Marie Le Pen israélien ne fait pas honneur à la démocratie. Il aurait dû être écarté de la scène politique, et j’espère, sans trop y croire, qu’il suscitera le même rejet qu’en son temps (1999) son pendant autrichien Jörg Haider.

Le gouvernement de Benyamin Netanyahou a été, certes, mal accueilli dans les grandes démocraties et n’a suscité aucun enthousiasme en Israël. Mais qui, dans le monde, a seulement songé à lui faire subir le traitement qu’on a infligé en 2006 au gouvernement palestinien dirigé par Ismaïl Haniyeh du Hamas, issu d’élections tout aussi libres ?

Très diplomatiquement, le nouveau président des États-Unis d’Amérique s’est contenté de dire : « L’accord de paix [israélo-arabe] n’en est pas rendu plus facile, mais il reste une impérieuse nécessité. »

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La question que tout le monde se pose et que je voudrais traiter est plus nette : le nouveau gouvernement israélien de Benyamin Netanyahou, dont les deux membres principaux sont Avigdor Lieberman, cité ci-dessus, et Ehoud Barak, ministre de la Défense (chacun d’eux contrôle un parti et dispose à la Knesset de 20 % des voix nécessaires à la majorité), a-t-il la capacité de s’opposer efficacement à un nouveau processus de paix voulu par une bonne partie des Israéliens et une majorité des Juifs de la diaspora, par l’actuelle administration américaine et par la communauté internationale ?

Personnellement, je ne le crois pas, et me hasarde même à pronostiquer un accord israélo-palestinien et un accord israélo-syrien dans les deux ans, couronnés peut-être par un autre accord entre Israël et l’ensemble des pays arabes, dont l’idée fait son chemin.

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Ils pourraient être conclus plus vite qu’on ne le pense. Mais, bien évidemment, leur mise en œuvre prendra de nombreuses années.

Je ne suis pas le seul à faire preuve d’optimisme : l’ancien président américain Jimmy Carter a écrit que la paix au Moyen-Orient, et plus particulièrement un accord entre Palestiniens et Israéliens, était en vue. « Les États-Unis le veulent, ajoute-t-il, et ils ont un plan pour cela, prêt à être mis en œuvre. »

L’obstacle Netanyahou ? Il l’écarte d’une phrase : « C’est un politicien pragmatique : si un accord se dessine et que la majorité des Israéliens s’y montre favorable, Netanyahou fera preuve… de flexibilité ! »

Ce plan américain existe bel et bien. La rédaction des données sur lesquelles il se fonde a été confiée à un panel composé de dix personnalités démocrates et républicaines d’expérience et de renom*.

Pour lui donner sa forme finale, le revêtir de son autorité présidentielle, commencer sa mise en œuvre avant de le rendre public, Barack Obama attendait que le gouvernement israélien soit en place.

On pense, à Washington, qu’il faut s’attaquer de toute urgence et en priorité au problème israélo-palestinien car, s’il n’est pas conçu et déclaré en 2009, l’État palestinien risque de ne plus être possible.

Paradoxalement, le gouvernement Netanyahou, par son existence et ses orientations, rend plus acceptable un gouvernement palestinien d’union qui inclurait le Hamas, et les États-Unis y sont désormais favorables. À la condition que le mouvement islamiste accepte un cessez-le-feu durable et autorise le président de ­l’Autorité palestinienne à négocier avec Israël un accord de statut final qui sera soumis à référendum.

Ce gouvernement palestinien d’union est en préparation : les alliés arabes des États-Unis y travaillent.

L’accord entre Israël et l’Autorité palestinienne reste à négocier et à finaliser. Mais les États-Unis ont fait savoir aux deux parties ce qu’ils veulent :

• retour d’Israël dans ses frontières de 1967, à quelques exceptions près, compensées par des échanges de territoires ;

• Jérusalem capitale des deux États, divisée sur une base démographique ;

• retour des réfugiés palestiniens, mais en Palestine seulement pour le plus grand nombre, avec reconnaissance par Israël de sa responsabilité et compensation financière versée par la communauté inter­nationale ;

• stationnement d’une force militaire internationale dans les territoires évacués.

Les négociations entre Israël et la Syrie se mèneront en parallèle, mais la conclusion de l’accord ne revêt pour Washington aucun caractère d’urgence.

Tel est, pour l’heure, le projet américain pour le Moyen-Orient. Aux yeux de Barack Obama et de son administration, sa mise en œuvre doit se faire sans délai car ce projet est désormais la pierre angulaire de leur lutte contre Al-Qaïda et l’intégrisme islamiste.

La majorité des Palestiniens et des Arabes, la majorité des Israéliens et des Juifs, les membres de l’Union européenne et la communauté internationale dans son ensemble sont fatigués de participer à cet interminable conflit ou d’être appelés à l’arbitrer et à en payer les pots cassés. Ils ne peuvent donc qu’accueillir avec faveur et soulagement un projet crédible qui mène enfin à ce compromis historique en gestation – et en panne – depuis la fin de la présidence Clinton.

Conscient de cela, Ehoud Olmert, le Premier ministre israélien sortant, a laissé à son successeur et à ses concitoyens ce testament public : « Ne manquez pas l’occasion historique de concrétiser la vision de deux États pour deux peuples. Il n’y a pas d’alternative… Il faut que les Palestiniens aient un pays…

Et négociez directement avec les Syriens comme j’étais tout près de le faire. Acceptez des concessions, aussi douloureuses soient-elles.

Prenez des initiatives courageuses et l’Histoire vous jugera bien. »

Nous avons tous, bien sûr, envie de dire à l’auteur de ces phrases frappées au coin du bon sens : « Que ne l’avez-vous fait vous-même en trois ans de pouvoir ! »

Mais je trouve plus positif de considérer que le testament d’Ehoud Olmert exprime le regret sincère et même pathétique d’un homme qui s’aperçoit, trop tard, qu’il n’a pas été à la hauteur de la mission historique qui lui est brusquement tombée sur la tête.

Laquelle se trouvait être au-dessus de son niveau de compétence… 

* Parmi lesquels Brent Scowcroft, Paul Volcker, zbigniew brzezinski, et deux personnalités juives très respectées : James Wolfensohn, Henry Siegman.

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