Gabon : des millions sous la mer

Plan pour l’exploitation rationnelle des stocks halieutiques, investissements conséquents du mauricien Ireland Blyth Limited… Bienvenue dans le monde marin du Gabon bleu.

Pour pallier la pénurie de sardines fumées sur le marché local, leur exportation est interdite pour six mois depuis le 30 mars. DR

Pour pallier la pénurie de sardines fumées sur le marché local, leur exportation est interdite pour six mois depuis le 30 mars. DR

Publié le 23 avril 2013 Lecture : 3 minutes.

On connaissait le Gabon vert et ses 220 000 km² de forêt tropicale (82 % du territoire). Il y a désormais le Gabon bleu, une zone économique exclusive de quelque 213 000 km² d’océan. « Une nouvelle couleur à ajouter à la carte », comme l’écrivait en novembre 2012 le scientifique américain Mike Faye, de retour d’une mission d’évaluation des richesses marines du pays qu’il effectuait pour l’État. Ex-sociétaire de l’ONG internationale Wildlife Conservation Society (WCS) et directeur technique de l’Agence nationale des parcs nationaux (ANPN), Mike Faye a depuis été nommé conseiller spécial du président, chargé du programme Gabon bleu – qui devient le quatrième pilier du projet de société.

L’expédition sous les mers a confirmé ce que savaient les pêcheurs en surface : les ressources halieutiques gabonaises restent importantes, alors que la pêche représente pourtant moins de 2 % du PIB du pays, qui importe une grande partie de sa consommation de poisson. Ces ressources s’avèrent cependant de plus en plus convoitées. Fin décembre 2012, quatre chalutiers sans licence battant pavillons togolais et camerounais étaient ainsi arraisonnés au large de Port-Gentil, dans les zones pétrolières interdites, les cales chargées de poissons pêchés.

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Suspension

La création de la commission interministérielle Gabon bleu « apporte à l’État une réactivité accrue dans les domaines de l’évaluation, de la surveillance et de la réglementation du secteur, c’est aussi un bon outil pédagogique pour sensibiliser les acteurs de la filière », explique Koumba Kombila, responsable des questions liées à la pêche à l’ANPN. Et la première mesure concrète ne s’est pas fait attendre. Début janvier, le gouvernement ordonnait la suspension des autorisations de pêche pour près de un mois, durant lequel pêcheurs artisanaux, armateurs, Commission Gabon bleu et direction générale des Pêches se sont réunis pour rationaliser l’activité commerciale et garantir une exploitation durable.

Le secteur représente moins de 2% du PIB du pays, qui importe l’essentiel de sa consommation de poisson.

L’application des lois reste en effet difficile : les navires gabonais peuvent ainsi pêcher jusqu’à 3 miles nautiques des côtes et les pavillons étrangers jusqu’à 6. Mais ces derniers n’hésitent pas à s’aventurer dans les zones réservées aux Gabonais, lesquels viennent, eux, ratisser les estuaires, poussant en bout de course les pêcheurs artisanaux à se rabattre sur les mangroves, c’est-à-dire les nurseries des côtes gabonaises. Un cycle dangereux. « Il y a quelques années, les sociétés Amerger et Asti Pêche exportaient 2 000 tonnes de crevettes par an, mais la surpêche a fait des ravages et la pêche artisanale a dépeuplé les mangroves des alevins, qui sont vendus sur les marchés comme condiments, et la ressource s’est effondrée », explique Koumba Kombila.

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Sifrigab

À l’autre bout de la chaîne, l’usine de la Société industrielle et frigorifique du Gabon (Sifrigab) était inaugurée, en 2005, dans la ville portuaire d’Owendo (périphérie sud de Libreville) pour approvisionner le marché local et viser le marché européen. Aujourd’hui, « ses chalutiers sont en train de couler, les entrepôts ont fermé et 60 tonnes de poisson pourrissent dans l’usine, qui est menacée par l’explosion des gaz de fermentation », constate Kombila.

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C’est pour la sauver qu’une délégation gabonaise a signé le 7 février, à Maurice, un accord de partenariat public-privé de 100 millions d’euros avec Ireland Blyth Limited (IBL), l’un des plus grands groupes d’affaires mauriciens et leader de l’industrie halieutique. IBL va reprendre la gestion et réorganiser les activités de Sifrigab, développer la pêche hauturière, puis créer d’autres unités industrielles ainsi qu’un chantier naval. Sans échapper à la vigilance des experts de Gabon bleu : « IBL a un potentiel de transformation extraordinaire, prévient Kombila. Mais il ne faudrait pas qu’ils vident nos eaux pour leurs besoins. » Qu’il soit vert ou bleu, le Gabon reste confronté au même défi : assurer un développement durable autant que rentable.

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