Gabon : les jeunes patrons s’organisent
Leurs propres sociétés désormais sur les rails, deux trentenaires créent une association de soutien aux créateurs d’entreprise.
Fini l’argent facile. Pour les générations de Gabonais qui connaîtront peut-être l’après-pétrole, il est temps de se frotter aux aléas de la création d’entreprise. Les pionniers du nouvel entrepreneuriat gabonais sont jeunes et sont revenus au pays à la fin de leurs études non pas pour devenir fonctionnaires, à l’instar de la plupart de leurs aînés, mais pour monter leurs propres sociétés dans le secteur tertiaire.
Parmi eux, Éric Boundono, 32 ans, MBA de gestion à l’École supérieure de gestion (ESG) de Paris, est rentré en 2007 et a lancé un an plus tard le premier centre d’appels offshore du pays. Vocalcentre emploie aujourd’hui cent dix salariés et travaille notamment avec des clients français et belges spécialisés dans les énergies renouvelables et les télécoms. Quant à Willy Asseko, 27 ans, ingénieur en télécommunications formé à l’Université de sciences appliquées de Dortmund, en Allemagne, il a créé une entreprise de transport urbain, LTC, qui propose la location de véhicules aux touristes et aux voyageurs d’affaires de passage à Libreville.
En janvier, les deux jeunes patrons ont monté l’Association agir pour une jeunesse autonome (APJA), qui regroupe déjà cinquante-deux jeunes entrepreneurs gabonais âgés de 18 ans à 35 ans. Ça tombe bien, le gouvernement veut accélérer la mise en place d’un tissu de PME. « L’un des défauts de notre économie, c’est que la richesse produite par les entreprises qui y sont installées profite peu aux Gabonais puisque beaucoup d’entre elles rapatrient leurs gains dans le pays d’origine de leur promoteur, déplore le Premier ministre, Raymond Ndong Sima. C’est pourquoi nous devons encourager plus fortement l’entrepreneuriat gabonais. »
Coup de pouce
Pour aider les jeunes créateurs d’entreprises, Éric Boundono et Willy Asseko ont proposé au gouvernement (qui a validé l’idée) de fonder un incubateur d’entreprises. La structure, encore en gestation, accompagnera les porteurs de projets avec des services adaptés. « Nous savons par expérience qu’ils ont surtout besoin de conseils et de suivi dans le management juridique et la comptabilité », explique Asseko.
Parmi les principaux obstacles à surmonter, celui de l’accès aux crédits. Au Gabon comme ailleurs, les banques sont frileuses et posent des conditions draconiennes pour décourager les emprunteurs fragiles. De plus, les taux d’intérêts sont extrêmement élevés – entre 12 % et 18 %. « L’incubateur pourrait contribuer à diminuer le risque encouru par les prêteurs et, du même coup, faire baisser ces taux », espère Éric Boundono. Pour l’heure, la plupart des jeunes patrons ne peuvent compter que sur le développement du microcrédit. Les rares établissements de microfinance agréés pratiquent des taux d’intérêt de 3 % à 4 % sur six mois à deux ans, ce qui est encourageant, mais ne peut fonctionner que sur du court terme.
De toute évidence, l’aide de l’État sera nécessaire pour intensifier l’entrepreneuriat gabonais. Boundono explique que Vocalcentre n’aurait d’ailleurs pas pu se développer sans ce soutien : « Les centres d’appels recrutent beaucoup. Nous avons un partenariat avec l’Office national de l’emploi et, lorsque nous recrutons un jeune en stage d’insertion ou de réinsertion, nous bénéficions d’une contribution mensuelle de l’État à hauteur de 40 000 F CFA (61 euros) par salarié. C’est une incitation à l’embauche et une bouffée d’oxygène pour les jeunes entreprises. »
Autre préoccupation majeure de ces dernières : l’accès aux marchés publics, où elles doivent affronter la concurrence des grands groupes. Sur ce point aussi, un coup de pouce de l’État est attendu. Une préconisation retenue dans le document de politique nationale de la jeunesse rendu public à la mi-février, qui résulte des travaux d’un forum organisé en 2011 à l’initiative de la présidence. Ali Bongo Ondimba s’est engagé à soutenir les jeunes. Il lui reste à tenir parole.
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