Doubler les capacités en dix ans

En forte croissance sur le continent, le téléphone mobile utilise toujours plus de liaisons internationales. Une vingtaine de satellites sont en construction pour satisfaire ce besoin.

Publié le 1 avril 2009 Lecture : 4 minutes.

En annonçant, en décembre dernier, le lancement d’un satellite de télécommunications spécialement construit pour l’Afrique subsaharienne, l’opérateur américain Intelsat a traduit l’intérêt des principaux acteurs du secteur pour le dynamisme de ce marché. Après des années de progression à deux chiffres (voir infographie), les constructeurs de satellites subissent un ralentissement des commandes sur les marchés d’Europe ou d’Amérique du Nord. Tandis qu’en Afrique, les opérateurs de télécoms entendent bien poursuivre leur forte croissance, notamment en multipliant les offres d’accès à Internet auprès de leurs clients, ce qui nécessite d’augmenter les moyens de liaison avec le reste du monde.

Pour le moment, Bernard Mazetier, responsable des innovations pour la zone Afrique Moyen-Orient et Asie d’Orange parle d’« un manque important » en matière de liaisons par satellite. De son côté, le cabinet Balancing Act Africa note qu’il y a aujourd’hui moins de connexions africaines à Internet qui transitent par satellite : seulement 7,7 % en 2008, contre 24 % il y a dix ans. Cette diminution s’explique par la mise en place d’autres moyens de transmission, notamment de câbles sous-marins à fibres optiques, mais ceux-ci ne parviennent pas jusqu’aux régions enclavées, soit 26 pays en déficit de liaisons internationales. Tous pays confondus, la demande est telle que Rachel Villain, directrice du cabinet Euroconsult, s’attend à un quasi-doublement de la capacité des transmissions par satellite au sud du Sahara dans les dix années à venir.

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Baptisé New Dawn (L’aube nouvelle), le satellite d’Intelsat sera le premier d’une nouvelle série d’engins spatiaux de télécommunications à entrer en service au-dessus du continent. Il coûtera 250 millions de dollars et son montage financier constitue une double première. Tout d’abord, dans ce domaine où d’habitude l’opérateur avance la majorité du prix du satellite dont il loue ensuite les canaux pendant une quinzaine d’années, New Dawn est financé à hauteur de 15 % seulement par son initiateur, d’ailleurs frappé par un fort niveau d’endettement. « Nous avons souhaité nous associer à des partenaires locaux sur ce projet afin de répondre au plus vite aux besoins des clients », explique diplomatiquement Flavien Bachabi, vice-président Afrique d’Intelsat.

Financement sud-africain

Deuxième particularité, 85 % de l’investissement ont été réunis par le consortium Convergence Partners, qui réunit notamment deux institutions sud-africaines de poids, le groupe bancaire Nedbank et l’organisme public d’investissement Industrial Development Corporation. Ils sont appuyés par la Banque africaine de développement (BAD), via un prêt de 25 millions de dollars. Les promoteurs de New Dawn sont d’ores et déjà assurés de la rentabilité de l’opération. Deux ans avant sa mise en service, prévue au début de 2010, plus de la moitié de la capacité du satellite est réservée. Les précontrats signés dépassent déjà 350 millions de dollars. Vodacom et Zain pour leurs réseaux GSM, Gilat Network Systems et Gateway Communications pour des réseaux privés (VSat) ont confirmé leurs engagements.

Intelsat, qui gère 68 % de la capacité satellitaire louée sur la zone subsaharienne (en 2007), n’est pas le seul à miser sur l’avenir des liaisons satellite pour l’Afrique. Le groupe luxembourgeois SES Astra prévoit d’ici à la mi-2010 de mettre en orbite via sa filiale New Skies (NS) deux nouveaux satellites capables de servir le Maghreb et les régions subsahariennes. Nicolas Baravalle, vice-président des ventes Afrique de New Skies se réjouit d’une progression de 19,5 % de son chiffre d’affaires en 2008. Le français Eutelsat, autre acteur du secteur, annonce lui aussi une augmentation de sa flotte sur le continent dès la fin de cette année. Enfin, Arabsat et l’émirati Yahsat ont également des projets.

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Face aux multinationales, certains pays entendent exploiter leurs propres positions orbitales plutôt que de verser des rentes annuelles de plusieurs dizaines de millions de dollars. L’Égypte a montré la voie en créant l’opérateur Nilesat dans les années 1990. Après un premier échec l’an dernier, le Nigeria, qui en a confié la réalisation à des Chinois, espère à son tour pouvoir profiter de ses satellites d’ici à un ou deux ans. D’autres nations comme l’Angola ou l’Algérie pourraient également franchir le pas. Ancré dans une perspective panafricaine, le projet Rascom, qui réunit quarante-cinq États, ambitionne quant à lui d’apporter la téléphonie dans des zones isolées à des tarifs modérés (lire l’encadré).

O3b révise les tarifs à la baisse

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Mais l’initiative qui fait le plus parler d’elle depuis quelques mois s’appelle O3b, acronyme de « Connecting the other 3 billions », qui se traduit littéralement par « Relier les trois autres milliards », autrement dit les habitants des pays du Sud qui n’ont pas accès au Web faute de réseaux à haut débit. Dévoilé en septembre 2008, le projet a fait l’effet d’une bombe en raison de son intérêt évident et surtout du soutien de partenaires de renom, dont Google, la banque HSBC et le câblo-opérateur américain Liberty Global, pour un montant de 65 millions de dollars. L’idée est d’utiliser une flotte de seize satellites en orbite basse pour fournir à l’Afrique, l’Amérique latine et l’Asie des capacités de transmission utilisables pour Internet ou les réseaux GSM. Le budget total annoncé atteint 750 millions de dollars, mais seuls huit satellites seraient mis en orbite dans un premier temps.

Six mois plus tard, le lancement prévu à la fin de 2010 des premiers engins est encore loin d’être gagné. Les investisseurs sont réservés pour financer une organisation qui ne peut se prévaloir d’aucune expérience dans le domaine spatial. Pour les séduire, O3b affiche une liste impressionnante de précontrats signés par des clients potentiels, l’équivalent de 200 millions de dollars début 2009. Son principal atout : des tarifs très compétitifs, à 750 dollars par mois pour un débit de 1 mégaoctet par seconde, quand les concurrents géostationnaires sont jusqu’à six fois plus chers. Cette guerre des prix n’effraie pas Intelsat : « La demande pour les services par satellite continue d’être forte et nous continuerons de croître en Afrique », prédit Flavien Bachabi.

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