De Téhéran à Tel-Aviv

International Herald Tribune Quotidien, Paris

Publié le 31 mars 2009 Lecture : 2 minutes.

Dans son audacieux message aux dirigeants iraniens, le président Obama avance quatre choses essentielles en vue d’un éventuel rapprochement. Il ne considère plus « le changement du régime » à Téhéran comme un objectif des États-Unis. Il met en veilleuse l’« option militaire ». Il enterre la politique de « la carotte et du bâton », qui n’est de mise, disent les Iraniens avec mépris, qu’avec les ânes. Enfin, il inclut le programme nucléaire iranien dans « le large spectre des questions que nous aurons à résoudre à l’avenir ». Ce faisant, il rend presque inévitable une douloureuse mais nécessaire redéfinition des relations entre les États-Unis et Israël – ce qui devrait devenir l’une des questions stratégiques cruciales de sa présidence. Une telle redéfinition s’imposera d’autant plus que les divergences entre les deux pays concernant l’Iran ne manqueront pas de s’exacerber. J’y reviendrai.

Les ouvertures en direction de Téhéran sont remarquables. Le président a mentionné à deux reprises la « République islamique d’Iran », ce que les responsables américains évitaient depuis longtemps de faire, et précisé que celle-ci – et pas une autre – devait « occuper la place qui lui revient dans le concert des nations ». Les États-Unis reconnaissent ainsi de manière explicite la révolution des ayatollahs, qui a aujourd’hui 30 ans.

la suite après cette publicité

Le temps passe – et l’agenda d’Obama n’est pas celui de Benyamin Netanyahou, le Premier ministre pressenti d’Israël. Les divergences d’appréciations sont déjà évidentes entre les deux pays. L’attitude de Shimon Pérès le confirme. Le président israélien a certes adressé, lui aussi, ses vœux au « peuple iranien », mais il a déclaré par ailleurs que ledit peuple allait immanquablement se soulever pour « renverser une poignée de fanatiques ».

Un responsable israélien de premier plan m’a confié que l’Iran possède 1 tonne d’uranium faiblement enrichi. Et qu’il aura 500 kg de plus dans moins de six mois. Assez, donc, pour fabriquer la bombe. Il aura alors à choisir entre trois voies. Foncer, ignorer le traité de non-prolifération, faire en sorte que ses centrifugeuses produisent, en moins d’une année, de l’uranium fortement enrichi en quantité suffisante. Ou bien transférer le processus de fabrication en un lieu secret, ce qui demandera plus de temps, peut-être deux ans, pour obtenir la bombe. Ou encore poursuivre la production de l’uranium faiblement enrichi de manière à « en avoir assez pour dix bombes le jour où l’on décidera de s’en doter ». J’ai alors posé la question à mon interlocuteur : où se trouve la ligne jaune pour Israël ? « Lorsque les Iraniens disposeront de 1,5 tonne, la non-prolifération sera morte. » Et après ? « Chacun sait que si un pays qui n’accepte pas l’existence d’Israël venait à disposer d’un tel programme, nous interviendrions. »

Il y a peut-être dans tout ça une part de bluff. Pour éviter qu’Obama parle trop longtemps avec les Iraniens, Israël laisserait entendre qu’une opération militaire pourrait avoir lieu au cours de cette année. Ce qui est clair en tout cas, c’est que la nouvelle politique d’Obama au Moyen-Orient et sa détermination vont sans doute contraindre Israël à mettre une sourdine à son agressivité et risquent de provoquer un refroidissement des relations entre les deux pays. Le temps est essentiel. Le postulat selon lequel Israël ne peut pas mener une mauvaise politique a donné des résultats désastreux, dont la menace sur sa sécurité à long terme n’est pas le moindre.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires