Le New Deal…

Le président Barack Obama propose « au peuple et aux dirigeants de la République islamique » un « nouveau départ ». Une main tendue qui pourrait bouleverser les rapports de force régionaux.

Publié le 31 mars 2009 Lecture : 4 minutes.

Remarquable évolution au Moyen-Orient : après trente années d’une hostilité stérile, les États-Unis et l’Iran sont sur le point de renouer le dialogue. Un tel rapprochement pourrait bouleverser les rapports de force régionaux. Israël a exprimé son profond malaise. Sa plus grande crainte est qu’une détente américano-iranienne vienne éroder sa propre position de principal allié de l’Amérique dans la région et aille jusqu’à menacer son monopole nucléaire. L’État hébreu fait donc pression sur les États-Unis pour qu’ils écourtent l’éventuel dialogue et alourdissent leurs sanctions contre Téhéran afin de le contraindre de mettre fin à son programme nucléaire.

Par ailleurs, l’Arabie saoudite et l’Égypte redoutent que l’Iran ne devienne une puissance régionale. Washington devra leur fournir la garantie que leurs intérêts ne seront pas ignorés au cours des négociations. Tous les acteurs régionaux ont noté que l’Iran et les États-Unis cherchent le dialogue. Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a envoyé une lettre de félicitations à Barack Obama après son élection, le 4 novembre 2008. Ce dernier a répondu généreusement, le 19 mars, à l’occasion de Norouz (le Nouvel An iranien), avec un message vidéo de trois minutes et demie adressé « au peuple et aux dirigeants de la République islamique d’Iran » dans lequel il propose un « nouveau départ », ainsi que des discussions « sur le large spectre des questions que nous aurons à résoudre dans l’avenir », sur la base du « respect mutuel ».

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Le geste d’Obama a été salué partout dans le monde – notamment par la Russie et les dirigeants européens. Mais aussi par Cheikh Khaled Ibn Ahmad Al Khalifa, le ministre des Affaires étrangères de Bahreïn, qui abrite une importante base navale américaine et qui a longtemps compté sur les États-Unis pour le protéger des visées expansionnistes de Téhéran. Tous les pays du Golfe vont devoir prendre la mesure de ce que signifie un rapprochement américano-iranien.

Pas de temps à perdre

En attendant, le message d’Obama ne fait que confirmer sa réputation d’homme de paix – de dirigeant qui, à l’inverse de son prédécesseur, a choisi la diplomatie plutôt que la guerre. Autre conclusion évidente : Obama a compris qu’il aura besoin de l’appui de l’Iran pour stabiliser l’Irak, réduire l’influence des talibans en Afghanistan, modérer les factions extrémistes palestiniennes, dans la recherche d’une solution au conflit israélo-palestinien, et apaiser les relations politiques au Liban. L’Iran est devenu une puissance régionale qui ne peut plus être ignorée ou isolée en raison de son influence dans tous les conflits qui agitent la région.

Il est frappant de constater qu’Obama a décidé d’agir maintenant – et donc d’encourager Ahmadinejad – plutôt que d’attendre le résultat de l’élection présidentielle du 12 juin. Cela laisse à penser que les spécialistes américains de l’Iran estiment qu’il a de bonnes chances d’être réélu et qu’il est sans doute l’homme avec lequel ils devront discuter in fine.

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Les porte-parole iraniens ont réagi favorablement au message d’Obama. Mais ils ont répondu qu’au-delà des mots ils voulaient aussi des actes. L’Iran souhaite ainsi que l’Amérique reconnaisse – et regrette officiellement – avoir renversé le Premier ministre Mohamed Mossadegh en 1953, abattu un avion de ligne iranien en 1988 et soutenu Saddam Hussein durant la guerre Iran-Irak (de 1980 à 1988). Toutefois, si ces griefs sont bien réels, ils sont liés à des événements désormais lointains.

Un « grand marchandage »

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Aujourd’hui, il y a, cela dit, un contraste flagrant entre les mots de conciliation d’Obama à l’endroit de Téhéran et les tentatives ininterrompues des responsables du Trésor américain – au premier rang desquels Stuart Levey – pour accentuer les sanctions financières contre l’Iran, couper les flux financiers et forcer les banques internationales à suspendre leurs relations avec leurs homologues iraniennes. Au cours du mois passé, les États-Unis ont dressé une liste noire de onze entreprises liées à la banque iranienne Melli.

En outre, Dennis Ross, qui vient d’être nommé par l’administration Obama conseiller pour le golfe Persique et le Sud-Ouest asiatique, a longtemps été proche du Washington Institute for Near East Policy (Winep), un think-tank dont l’objectif est d’influencer la politique moyen-orientale des États-Unis dans un sens pro-israélien. Le Winep continue de mener une campagne virulente pour sanctionner l’Iran et engager une action militaire si les sanctions venaient à échouer.

Obama devra lever ces contradictions s’il veut être entendu à Téhéran et éviter que le dialogue qu’il appelle de ses vœux soit saboté par des responsables et des intérêts particuliers issus de son propre gouvernement. En tout état de cause, ce n’est qu’un début. Personne ne sait à ce jour ce que les Américains pourraient offrir à l’Iran en échange d’un gel de son programme nucléaire, ou ce que seraient les termes d’un « grand marchandage » entre Washington et Téhéran si jamais les tentatives de dialogue devaient déboucher un jour sur de véritables pourparlers. 

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