L’Union africaine, entre principe et réalité

Après avoir été bienveillante, l’institution affiche une nouvelle fermeté face aux coups d’État.

Publié le 31 mars 2009 Lecture : 2 minutes.

La rafale de putschs – quatre en moins d’un an – qui vient de souffler sur le continent aura peut-être eu cette vertu : inciter l’Union africaine (UA) à donner corps à la « déclaration d’Alger », un texte adopté en juillet 1999 par quarante-trois chefs d’État et de gouvernement, qui promet de sanctionner sans états d’âme les auteurs de coups d’État afin de dissuader leurs émules. « Nous sommes catégoriques, à partir de ce jour, aucun gouvernement issu d’un coup d’État ne sera reconnu par les pays africains », annonce alors le porte-parole de l’institution.

Près de dix ans plus tard, à l’UA, les tactiques des militaires pour se présenter en « sauveurs du pays » ne passent plus. La junte qui a pris le pouvoir à Nouakchott, le 6 août dernier, en prétextant l’urgence d’une « rectification », en sait quelque chose. Le 24 mars, le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’UA lui a rappelé que, en l’absence d’efforts en vue d’un retour à l’ordre constitutionnel, des sanctions seraient bien prises à l’encontre de ses membres, dont la liste devrait être publiée dans un délai d’un mois. En brandissant cette menace, le CPS s’est risqué à contredire le président en exercice de l’UA : au cours de sa visite à Nouakchott, début mars, Mouammar Kadhafi avait annoncé que le dossier des sanctions était « clos » et appelé Sidi Ould Cheikh Abdallahi, le président renversé par le général Mohamed Ould Abdelaziz, à admettre qu’il ne pourrait plus retrouver son fauteuil.

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Si, selon la règle en vigueur à l’UA, la Mauritanie a été suspendue au lendemain du 6 août, la junte espérait bien échapper aux sanctions. La lenteur des délais avant leur application et les divisions au sein de l’institution devaient jouer en sa faveur. Mais la succession des putschs sur le continent – Guinée-Conakry le 23 décembre et Madagascar le 17 mars – a finalement incité Addis à la fermeté. Fermer les yeux, c’est créer un précédent et discréditer l’organisation.

Baptiser la junte d’un nom prometteur, comme l’a fait le Guinéen Moussa Dadis Camara en créant le Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD), ou annoncer, comme le président autoproclamé de Madagascar, Andry Rajoelina, « la fin de la gabegie, des mensonges et de la pensée unique », n’a donc pas suffi à dissuader l’UA de suspendre les deux pays. Une position qui donne le ton : la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) a condamné le putsch malgache et, le 21 mars, les ambassadeurs occidentaux ont boudé la cérémonie d’investiture de Rajoelina. « Que les condamnations de l’UA soient suivies par la communauté internationale est le seul gage de leur efficacité », estime un ancien chef d’État du continent, qui va jusqu’à imaginer, pour plus encore d’efficacité, « un mécanisme universel de sanction des coups d’État ».

Reste que la définition du coup d’État en vigueur à Addis est encore relative. Le président de l’Assemblée nationale bissau-guinéen ayant été désigné président par intérim, à la suite de l’assassinat par des militaires, le 2 mars, du chef de l’État João Bernardo Vieira, et du chef d’état-major Tagmé Na Waié, le pays n’a pas été suspendu. Pas de rupture de l’ordre constitutionnel, donc pas de putsch ni de mise au ban : c’est la règle appliquée, quand bien même deux meurtres ont été commis.

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