Le retour des prétoriens

Nouakchott, Conakry, Bissau et, à présent, Antananarivo… Les militaires reprennent du service. Coup d’arrêt à la démocratisation du continent ou simple loi des séries ? Une chose est sûre, les armées africaines ne peuvent plus agir comme avant. Bonne gouvernance oblige.

Publié le 31 mars 2009 Lecture : 3 minutes.

Tous aux abris : les militaires reviennent ! Faiseurs (et défaiseurs) de rois à Madagascar, rédempteurs en Guinée, mafieux et fratricides à Bissau, inamovibles à Nouakchott, les héritiers des putschistes galonnés du siècle précédent sont de retour sur un air de déjà-vu. Mêmes treillis mouchetés, mêmes lunettes fumées, mêmes déclarations lapidaires, même casting en somme et même inquiétude : demain bientôt chez vous ?

Force, hélas, est de reconnaître que l’angoisse de voir le pouvoir revenir à nouveau au bout des fusils ne relève pas que de la paranoïa. Sur fond de crise économique mondiale et de mauvaise appropriation de la démocratie par beaucoup de pays du continent, le risque d’une contagion kaki est bien réel. Rares sont les pays qui, à l’instar du Sénégal, du Bénin ou du Mali en Afrique de l’Ouest, de l’Afrique du Sud, du Botswana ou du Mozambique en Afrique australe, peuvent s’estimer vaccinés contre l’épidémie. Des États fragiles comme le Zimbabwe, le Burundi ou le Niger, des successions difficiles à l’instar de celles qui se profilent au Cameroun ou au Gabon : autant de tentations pour une grande muette qui ne l’est que rarement longtemps en Afrique. Issus des meilleures écoles, où l’on enseigne le respect des règles démocratiques au même titre que les techniques de combat, nombre d’officiers, de retour au pays, se plaisent à cultiver un esprit de caste au-dessus des clivages ethniques et des comportements prédateurs. Hélas, cet affichage est souvent démenti en pratique.

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Comme l’écrivait la semaine dernière dans J.A. Béchir Ben Yahmed, les civils, plus exactement la classe politique, ont ici une lourde responsabilité. Pour ne pas avoir admis que la démocratie, c’est la possibilité laissée aux crises de se résoudre par le biais de la contestation, de la liberté d’expression, de la médiation ou de l’alternance au sommet, la voie s’est ouverte devant un autre type de solution ; le rapport de force et l’irruption des militaires « salvateurs ». À cela s’ajoutent la multiplicité scissipare de formations politiques incapables de former des majorités stables et le rôle néfaste de bailleurs de fonds à ce point obsédés par la stabilité de leurs ouailles qu’ils ont fini par occulter totalement le corollaire obligé de la bonne gouvernance : la démocratie libérale, sans laquelle la cocotte-minute n’a point de soupape.

Alors, retour aux États garnisons ? Même si le chercheur français Alain Antil n’a pas tort quand il suggère qu’« on ne peut pas dire que tous les putschs sont mauvais : dans l’Histoire, certains coups d’État ont été opportuns », ce serait assurément le scénario du pire. Néanmoins, heureusement, il est loin d’être sûr. D’abord parce que les acteurs, galonnés ou non, se sont adaptés à l’air du temps. À l’exception du cas de la Mauritanie, où les militaires, qui ont pris leurs habitudes depuis plus de trente ans, sont beaucoup plus proches de la mentalité de leurs frères d’armes du monde arabe, les néoputschistes africains tiennent compte des pressions internationales : il n’est plus question que de transitions provisoires et de remise à terme du pouvoir aux civils. Les sanctions économiques et l’épée de Damoclès de la Cour pénale internationale (CPI) sont passées par là.

Surtout, même s’il est capricieux et ponctué de phases de régression – comme en ce moment –, le courant qui mène vers la démocratisation du continent est trop puissant pour être durablement inversé. Cela, chacun le sait, y compris dans les casernes.

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