Les rénovateurs du capitalisme

Publié le 31 mars 2009 Lecture : 5 minutes.

Sous leurs deux formes principales, écrite et audiovisuelle, les médias vont s’emparer pendant plusieurs jours d’un événement attendu et important : la réunion imminente du G20.

Ce sommet international, qu’on prépare depuis trois mois et dont on redoute l’échec, se déroulera à Londres les 1er et 2 avril.

la suite après cette publicité

C’est le premier auquel participera Barack Obama, et nul doute que le nouveau président américain en sera le personnage central.

Des questions se posent :

Qu’est-ce que ce G20, instance nouvelle ? Quelle est sa légitimité et quels sont ses pouvoirs ?

Qu’attendre de cette rencontre ?

la suite après cette publicité

Les orientations que nous lirons dans le communiqué final seront-elles des annonces pour la galerie, comme l’ont été les « décisions » de la précédente réunion, tenue le 15 novembre dernier à Washington sous la présidence d’un George W. Bush… démonétisé ?

Ou bien seront-elles, cette fois, des décisions qui engagent ceux qui les prennent et qui, par conséquent, seront suivies d’effets ?

la suite après cette publicité

Il y a plus de trente ans, l’Europe, l’Amérique et le Japon se sont regroupés en un G7 et l’ont érigé en directoire d’un monde dont ils constituaient alors la partie prospère et privilégiée.

La Russie a accepté un strapontin dans cet aréopage avant d’en devenir, en 1998, le huitième membre (G8 : États-Unis, Royaume-Uni, Canada, France, Allemagne, Italie, Japon et Russie).

La mondialisation, le poids grandissant de pays émergents comme la Chine, le Brésil, l’Inde, le Mexique, l’Afrique du Sud, la Corée du Sud, la Turquie – et, depuis 2008, la crise – ont contraint les Huit à élargir le cercle : il fallait partager avec des pays « de couleur » autres que le Japon le « fardeau de l’homme blanc » et répartir les responsabilités.

On a pensé d’abord à un G13, ou à un G14 pour, à la fin de 2008, « monter » jusqu’au G20.

Légitime ou pas, juste ou injuste – ni l’Iran, ni l’Égypte, ni le Pakistan, ni l’Algérie n’en sont –, le G20 a commencé à exister et à fonctionner. Sa composition ne reflète pas un équilibre entre les continents, mais, tout bêtement, le poids économique du pays : ton PIB c’est combien de milliards ?

Ce sommet de Londres est en fait le vrai premier sommet de cette nouvelle instance mondiale qu’est le G20 : c’est son banc d’essai et sa mise à l’épreuve.

Le graphique ci-contre dit ce qu’il est.

Il est de bon ton parmi les économistes de se dire pessimiste, de prévoir un échec du sommet et une aggravation de la crise : selon la plupart d’entre eux, les mesures de sauvetage et les plans de relance étant insuffisants et mal coordonnés, la récession risque de dégénérer en dépression.

En dépit des performances positives des grands pays émergents, la croissance mondiale va, nous dit-on, se muer cette année en décroissance (de l’ordre de – 1,5 %), tandis que le commerce mondial poursuivra sa chute (– 9 %).

Le chômage va exploser (plus de 50 millions de sans-emploi déclarés sont annoncés pour la fin 2009), et, selon ces augures, l’économie mondiale continuera de se dégrader.

Ils pensent que nous n’avons ressenti jusqu’ici que les prémices de la crise.

Je ne partage pas ce pessimisme : la plupart de ceux qui le propagent n’ont pas vu venir ce dérèglement du capitalisme et je pense que, ne voulant pas être pris une fois de plus en défaut, ils annoncent le pire…

La crise n’a certes pas atteint son paroxysme et les choses risquent en effet d’aller encore plus mal avant de commencer à s’améliorer.

Mais cette récession généralisée, qui est la première vraie crise d’un capitalisme devenu mondial – elle est née au sein même de ce temple du capitalisme que sont les États-Unis –, est, à mon avis, assez bien gérée et contenue : les hommes et les femmes, chefs d’État ou de gouvernement et ministres des Finances à qui incombe cette tâche sont compétents, expérimentés et déterminés.

Fondé sur le profit, la propriété privée et la dictature du marché, le capitalisme portait la crise en lui : quand s’effondrent les barrières devant l’avidité et la cupidité, quand le gaspillage des ressources ne connaît pas de frein, quand le sort de la planète et celui de nos enfants ne sont pas pris en compte, quand le Dieu argent tord le cou non seulement à la morale, mais aussi aux règles et aux lois, quand les déséquilibres financiers deviennent structurels, on dépasse les limites, et ça casse.

Une expression anglo-saxonne le dit éloquemment : il arrive un moment où ce qui ne peut continuer indéfiniment s’arrête…

Nous en sommes là : le capitalisme n’ayant pas de substitut, il faut le reconstruire en mieux et avec un matériau plus solide. Je crois pouvoir dire que cette construction a déjà commencé.

Des architectes sont en tout cas à l’œuvre pour en dessiner les formes et, surprenant, ils sont asiatiques, car la Chine et plus largement l’Asie (hors Japon) vont être les grands gagnants de cette crise.

L’économie chinoise ne connaîtra en 2009 qu’une croissance de 5 % à 6 % (au lieu de 11 % à 12 % dans les trois décennies précédentes). Mais comme le Japon est, lui, en récession-dépression, c’est-à-dire en décroissance, la Chine deviendra, avant la fin de cette année – beaucoup plus tôt que prévu –, la deuxième économie mondiale, après les États-Unis.

Les Chinois d’abord, les autres Asiatiques ensuite, en sont déjà à faire la leçon aux Américains et aux Européens – et à leur tenir ce langage :

« Cette crise économique, c’est à vous que nous la devons : c’est la crise de votre capitalisme ; le nôtre est différent et meilleur. Notre système politique et socio-économique est plus robuste que le vôtre et nous sommes à même, par conséquent, de mieux supporter un ralentissement de la croissance et ses conséquences sociales.

Nous avons commis l’erreur dans le passé d’imiter des modèles qui semblaient avoir réussi : le soviétique, puis le japonais et enfin l’américain. Ces temps sont révolus : la crise nous donne l’occasion et la possibilité de concevoir et de proposer au monde un nouveau capitalisme, fondé sur nos valeurs. »

Les auteurs asiatiques de ce discours présument-ils de leurs moyens ? Ils seront en tout cas au sommet de Londres.

Estimeront-ils que le moment est venu de se poser aux yeux du monde en rénovateurs du capitalisme ? Ou bien préféreront-ils attendre avant de se déclarer que la crise franchisse une autre étape ?

Nous le saurons le 2 avril.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires