L’Afrique du Nord tire le marché
Les États multiplient les projets de traitement des eaux usées pour protéger les ressources touristiques et améliorer les conditions de vie de leurs habitants.
L’Afrique se met au vert
La première tranche de la nouvelle station d’épuration de Marrakech vient d’entrer en service pour traiter à terme les eaux usées de 1 million d’habitants. Construite et exploitée par le français Degrémont (Suez Environnement), cette usine a la particularité d’être autosuffisante, en tirant l’énergie nécessaire à son fonctionnement du biogaz libéré par la digestion de ses boues d’épuration, une première au Maroc ! De son côté, celle de Tanger, réalisée et pilotée par Veolia Water AMI (Afrique, Moyen-Orient et Inde), devrait traiter les eaux usées de 800 000 habitants lorsqu’elle démarrera, dans deux mois.
Rabat, Tanger, Tétouan…
À l’image de ces deux villes marocaines, les grandes villes d’Afrique du Nord s’apprêtent à devenir plus propres. De Rabat au Caire, en passant par Casablanca, Alger, Alexandrie, Tunis, Tanger, Tétouan, Marrakech ou Fès, toutes entament de grands travaux d’assainissement ou les ont réalisés en partie. La dégradation du milieu naturel par le déversement d’eaux usées dans les oueds ou la pollution des eaux de baignade du littoral ne seront bientôt plus qu’un mauvais souvenir. « Le Maroc, l’Égypte et surtout l’Algérie, qui rattrape son retard, tirent le marché, qui émerge en Afrique depuis seulement cinq ans », indique Jean-Yves Gadras, directeur du développement pour l’Afrique chez Degrémont, le spécialiste des usines de traitement de l’eau. Le pouvoir central des pays, relayé par les collectivités territoriales, est généralement l’initiateur de ces projets qui fleurissent tous azimuts. « Il y a une réelle volonté politique d’assainir les grandes agglomérations, pour protéger ou améliorer certaines ressources économiques comme le tourisme », expose Jean-Yves Gadras. C’est notamment le cas au Maroc, où le ministère de l’Intérieur a confié à Veolia Water AMI l’assainissement des eaux usées de Rabat, de Tanger et de Tétouan dans le cadre d’importants contrats de délégation de service public qui portent sur la gestion de l’eau et de l’énergie. « L’assainissement de ces trois villes côtières a le même décisionnaire, l’État, et le même objectif, dépolluer le littoral et restaurer la qualité des eaux de baignade », confirme Patrice Fonlladosa, PDG de Veolia Water AMI. Reste la question du financement de très lourds investissements. Le coût de la reconstruction et du doublement de capacité de la station d’épuration d’Alger atteint par exemple 108 millions d’euros. Et le projet d’une deuxième station d’épuration au Caire, destinée à couvrir les besoins d’environ 8 millions de personnes, devrait représenter un montant record.
Soutien de la BAD
« En Égypte et en Algérie, l’État prend en charge l’intégralité du financement des projets. Ailleurs, tous les cas de figure sont possibles », affirme Jean-Yves Gadras. En revanche, dans le cas de contrats plus larges de délégation de service public, c’est le prestataire qui supporte la totalité de l’investissement. « Au Maroc, nous préfinançons les projets et nous nous remboursons sur la facturation de l’eau pendant la durée du contrat », explique Patrice Fonlladosa. Néanmoins, les bailleurs de fonds comme la Banque mondiale, l’AFD, la BEI et la BAD ont régulièrement droit de regard sur tous ces projets. Mais ils préfèrent souvent reporter leurs aides aux pays plus modestes d’Afrique subsaharienne. C’est ainsi que la BAD a entièrement financé les 8,6 millions d’euros de réhabilitation de l’unité de traitement des eaux usées de Cambérène, à une dizaine de kilomètres de Dakar. Menés par Stereau, filiale d’ingénierie du groupe français Saur, les travaux ont permis de doubler la capacité de traitement et de la porter à 17 000 m3 par jour. Première station d’épuration à boue activée d’Afrique de l’Ouest, Cambérène a été inaugurée le 11 février dernier et produira, outre de l’eau potable, du compost pour les cultivateurs et du méthane utilisé pour l’alimentation en électricité de la station. Il couvre 30 % des besoins. Hormis le Sénégal, où il existe un Office national d’assainissement (Onas), le niveau d’assainissement en Afrique subsaharienne francophone reste très faible et restreint au lagunage, procédé qui consiste à créer un bassin naturel de décantation des eaux usées.
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