Retour vers le futur

Poumon économique de l’Occident musulman pendant plusieurs siècles, la cité est connue pour son artisanat. Elle cultive aujourd’hui des compétences technologiques, qui commencent à attirer les industriels.

Publié le 30 mars 2009 Lecture : 4 minutes.

Pour décrire l’économie de la région de Kairouan aujourd’hui, un détour historique s’impose. « Elle était la capitale économique incontestée de l’Ifriqiya et même de tout l’Occident musulman », écrit l’universitaire malien Ahmadou Tall Diallo dans son étude sur l’industrie de Kairouan à l’époque médiévale, publiée par le Centre d’études islamiques basé dans la ville. Et d’ajouter qu’elle constituait le carrefour pour les échanges commerciaux entre l’Orient et l’Occident, ainsi qu’un important centre manufacturier (sur le plan artisanal), qui faisait sa prospérité.

Les recherches de Diallo lui ont notamment permis de relever un souci, inattendu pour l’époque, de respect de l’environnement : les activités polluantes ou à nuisance sonore étaient éloignées des quartiers d’habitations et des lieux de prières.

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De cette époque ne subsistent que des reliques. De la multitude de souks organisés par branches d’activité ne demeure parfois que le nom ; ce sont les commerçants de produits asiatiques divers qui ont repris les échoppes. Au souk des Sarrajine (« selliers »), il n’en reste aucun, l’âge ayant forcé le dernier à fermer il y a quelques mois. Un triste constat quand on sait que, du temps de sa splendeur, Kairouan était la spécialiste des selles de prestige pour les rois et souverains d’Égypte et d’Europe. À croire que la célèbre cavalerie séculaire des Jlass aurait disparu de la région…

Consolation néanmoins du côté de quelques autres souks comme celui de la laine, des tisserands, du cuir et des babouches et, surtout, celui du tapis, où les artisanes de la région continuent de venir chaque semaine depuis des siècles pour vendre leurs produits à la criée.

Les petites mains face à la concurrence des machines

Cet artisanat érigé en art a fait la réputation mondiale de Kairouan, qui abrite un vaste musée entièrement dédié au tapis. « La production en surface est d’une moyenne de 50 000 m2 par an, moitié en tapis à points noués (les zerbiyya et les alloucha) et moitié en tapis tissés (les mergoums). Ce qui représente environ 20 % de la production nationale », explique Lotfi Mannai, commissaire régional de l’Office national de l’artisanat (Onat). Sur le plan commercial, le chiffre d’affaires des ventes dans les magasins de Kairouan est en moyenne de 1,2 million de dinars (650 000 euros) par an. Cependant, de plus en plus, le tapis réalisé par « les petites mains », pour la plupart rurales, est concurrencé par l’ouverture du marché aux tapis usinés. Autres fleurons de l’artisanat kairouanais : le travail du cuivre martelé, le tissage du hayek (habit traditionnel féminin) et la ferronnerie d’art. En matière culinaire, c’est le royaume de la pâtisserie, notamment du makroudh.

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Mais il n’y a pas que l’artisanat et le makroudh. À la faveur de l’effort de développement que connaît l’économie du pays depuis un demi-siècle, la région est en train de se bâtir un avenir industriel.

S’y sont développés huit zones industrielles et un cyberparc, une université formée de sept établissements (la plupart en rapport avec les études technologiques), cinq centres de formation professionnelle et pas moins de quatorze institutions d’appui à l’investissement.

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La région s’industrialiseà grands pas

Les infrastructures de transport et de télécommunications ont été considérablement modernisées au cours des dernières années, notamment avec l’aménagement de l’aéroport d’Enfidha, à 50 km de l’agglomération, qui doit ouvrir fin 2009. Les projets, toujours à Enfidha, de port en eau profonde, d’une bretelle avec l’autoroute nord-sud et d’une voie express Enfidha-Kairouan sont programmés.

Il y a vingt ans, la région ne comptait qu’une douzaine d’entreprises industrielles et aucune d’entre elles à participation étrangère. Elle en compte aujourd’hui 113 dont 32 à participation étrangère. Depuis 2007 et malgré, ou, plutôt, à la faveur de la crise internationale, parce que le site Tunisie est parmi les plus compétitifs, les investisseurs étrangers sont de plus en plus intéressés par la région de Kairouan. « Entre 2007 et 2008, explique Moncef Amari, directeur régional de l’Agence de promotion des investissements (API), quatre entreprises étrangères sont entrées en exploitation, et nous en avons quatre autres en cours d’installation, qui entreront en production d’ici à 2011. » Parmi les plus grandes entreprises figure Yura Corporation (Corée du Sud), qui fabrique des faisceaux de câble pour l’exportation et a créé 1 450 emplois. La société suisse Chama (groupe Rieker), qui fabrique des chaussures de sécurité, a démarré les travaux en août 2008 et devrait entrer en production fin 2009, l’objectif étant de créer jusqu’à 4 200 emplois. Les travaux de construction d’une cimenterie par Sotacib, associé à un partenaire majoritaire espagnol, ont démarré fin 2008 et devraient durer trente mois, avec 300 emplois à la clé. Enfin, le groupe Poulina envisage de lancer très prochainement deux projets dans la région : l’un dans la céramique, pour un investissement de 55 millions de dinars (30 millions d’euros), l’autre dans la production de fibre de verre, pour un investissement de 22 millions de dinars (12 millions d’euros).

Reste l’agriculture. En grande partie couverte de steppes arides et de sebkha (dépressions salées+), la région s’est transformée au cours des cinquante dernières années, grâce à la révolution hydraulique. La superficie en périmètres irrigués atteint aujourd’hui 53 000 hectares sur les 590 000 hectares de terres agricoles recensées. Sur le plan de la production agricole, la région est la première à l’échelle nationale pour les abricots et les poivrons, la deuxième pour les olives, et la troisième pour les amandes.

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