L’un compte, l’autre pas

Pour promouvoir la diversité, recensons d’abord les minorités ethniques, propose Sabeg. La République ne doit pas devenir une « mosaïque de communautés », rétorque Amara.

Publié le 30 mars 2009 Lecture : 3 minutes.

Fadela Amara peut remercier Yazid Sabeg. Quand, en mai 2007, elle a accepté de faire équipe avec Nicolas Sarkozy en devenant secrétaire d’État à la Politique de la ville, la fondatrice de Ni putes ni soumises a reçu, sur sa gauche, une jolie volée de bois vert. Elle, la socialiste militante, la beurette des quartiers, pactiser avec l’homme du Kärcher et des tests ADN ! Près de deux ans plus tard, le nouveau commissaire à la Diversité (nommé en décembre 2008) lui donne l’occasion de pousser un coup de gueule. Et de démontrer qu’elle n’a pas renié ses principes.

Sabeg et Amara font certes le même diagnostic : en France, l’ascenseur social est en panne. « On est en train de creuser un sillon qui nous conduit tout droit à l’apartheid : territorial, dans les têtes, social », estime le premier. « Il est loin le temps où les enfants d’ouvriers étaient représentés dans les grandes écoles », renchérit la seconde. Tout se gâte dès qu’il s’agit de prescrire un remède.

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Pour faire repartir l’ascenseur, Sabeg, par ailleurs patron de Communication et Systèmes, une entreprise de trois mille salariés spécialisée dans les équipements de surveillance et de sécurité, la joue pragmatique : pour promouvoir la diversité, encore faut-il, selon lui, pouvoir la « mesurer ». Concrètement, cela permettrait de soutenir, chiffres à l’appui, que la compagnie X pratique la discrimination parce qu’elle emploie nettement moins de Noirs, d’Arabes, ou de Chinois que n’en compte la société française.

Problème : si la législation française autorise les statistiques fondées sur des critères socio-économiques, ou même sur le lieu de naissance d’un individu (et de ses parents), elle proscrit absolument tout critère ethnique ou racial. « La France est une République indivisible », stipule l’article 1 de la Constitution. Placer les citoyens dans des cases identitaires, c’est donc établir des distinctions et remettre en cause cette unité.

De ce principe, Fadela la militante républicaine ne veut pas démordre. « Notre République ne doit pas devenir une mosaïque de communautés », s’est-elle insurgée, le 15 mars, à l’occasion des Assises nationales de lutte contre les préjugés. Elle n’est pas la seule à le craindre. « Moi, je suis quoi ? s’interroge par exemple Dominique Sopo, le président de SOS Racisme. C’est quoi ma communauté, mon appartenance ? Le Togo, la France et le Togo, l’Île-de-France, Paris ? Pousser des gens à entrer dans des catégories revient à rompre la fluidité des identités. » 

Discrimination positive

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Pour éviter – en vain la crise d’urticaire que déclenchent immanquablement, dans ce pays, ces simples mots : « statistiques ethniques », Yazid Sabeg a pris soin de parler d’« instruments de mesure de la diversité ». Et de préciser que toute déclaration d’appartenance à une communauté doit se faire sur la base du volontariat. Et que la communauté n’est pas forcément liée à une origine. Bref, de précision en nuance, on voit mal comment des outils véritablement opérationnels pourront être mis en place.

Le corollaire de la mesure de la diversité, c’est bien sûr la discrimination positive. Fadela Amara n’y est pas opposée, à condition que les critères retenus ne soient ni la couleur de la peau ni l’origine. Ce serait le meilleur moyen de susciter d’autres inégalités. « Il y a Mamadou et Mohamed, mais il ne faut pas oublier Benoît », s’amuse-t-elle.

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Bref, Fadela Amara et Yazid Sabeg le prouvent : il ne suffit pas d’avoir des origines communes – algériennes, en l’occurrence – pour être d’accord sur tout. Et pour être rangés dans la même case.

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