Une diaspora très courtisée

Avec près de 1 million d’électeurs, la communauté émigrée est sollicitée aussi bien par l’administration, hantée par le spectre de l’abstention, que par les candidats, engagés dans une pêche aux suffrages.

Publié le 30 mars 2009 Lecture : 4 minutes.

Même s’il se défend de vivre « avec le complexe du taux d’abstention », Noureddine Yazid Zerhouni, ministre de l’Intérieur et principal organisateur du scrutin du 9 avril, caresse un rêve : un taux de participation aussi élevé que celui de la présidentielle de 1995. En novembre de cette année-là, les Algériens élisent Liamine Zéroual président de la République dans un climat de guerre civile. L’insurrection islamiste est alors à son apogée. Attentats à l’explosif dans les espaces publics, massacres de villageois, faux barrages sur les axes routiers les plus fréquentés. Bref, une ambiance à ne pas mettre un électeur dehors. Pourtant, les Algériens démentent tous les pronostics et commentaires d’avant-scrutin. Trois sur quatre accomplissent leur devoir électoral. Un civisme insoupçonné imputable à la participation record de la diaspora, dont le vote débute quelques jours avant la date du scrutin. Les images de longues files d’attente, et parfois de bousculades, devant les consulats d’Algérie, en France, où se concentrent plus de 80 % de la communauté algérienne de l’étranger, avaient frappé les esprits.

Marquées par la forte abstention lors des deux dernières consultations électorales, les autorités algériennes semblent avoir pris acte de ce précédent. Et mis le paquet sur le vote de la diaspora. Pas un jour ne se passe sans que le Journal télévisé d’Algerian TV, chaîne satellite dédiée à cette communauté, ne consacre un sujet aux préparatifs du scrutin dans les pays où résident des Algériens. Du golfe Persique à l’Amérique latine, du Cap au Québec.

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Près d’un électeur sur vingt réside à l’étranger, le corps électoral étant évalué à un peu plus de 20 millions, le nombre d’inscrits dans les différentes représentations diplomatiques est estimé à près de 1 million. Pour l’administration, cela représente 5 points de participation. Quant aux candidats, il s’agit d’autant de voix à séduire. Sur ce million de suffrages potentiels, 776 218 en France. C’est pourquoi l’essentiel des efforts en matière de sensibilisation s’y concentre. Commençons par l’administration.

134 bureaux de vote en France

Missoum Sbih, ambassadeur d’Algérie à Paris, a sillonné l’Hexagone, faisant le tour des cinq consulats généraux (Paris, Lyon, Marseille, Lille et Strasbourg) et des treize consulats (Bobigny, Besançon, Bordeaux, Grenoble, Metz, Montpellier, Nanterre, Nantes, Nice, Pontoise, Saint-Étienne, Toulouse et Vitry-sur-Seine) afin de veiller au moindre détail. Pour mieux inciter le citoyen émigré à accomplir son devoir civique, on rapproche l’urne des électeurs, dont certains étaient contraints de parcourir plusieurs centaines de kilomètres pour voter. Avec la création de 76 bureaux délocalisés, le nombre de bureaux de vote est passé de 58, en 2004, à 134. En outre, des bus seront mis à la disposition des associations communautaires, qui se sont impliquées dans le processus électoral. Le coût de ces efforts ? « Le budget sera similaire à celui de l’élection de 2004 », assure Noureddine Zerhouni, soit 6 milliards de dinars pour l’ensemble des opérations, dont le dixième (taux de change oblige) consacré à l’organisation du scrutin à l’étranger, soit 600 millions de dinars (un peu plus de 6 millions d’euros). Reste à savoir comment vote cette diaspora.

Les résultats des précédentes consultations électorales, notamment les législatives de 2007 et la présidentielle de 2004, laissent à penser que le parti le plus influent auprès de la communauté émigrée est le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD). Or le parti de Saïd Sadi (candidat à la présidentielle de 2004) a décidé de boycotter le scrutin. Avec un taux de participation de 33,68 %, la diaspora avait largement boudé l’élection, à laquelle Abdelaziz Bouteflika avait recueilli plus de 77 % des suffrages exprimés. Qu’en sera-t-il lors du vote de la communauté de l’étranger (prévu entre le 4 et le 9 avril) ? Pour manifester son hostilité à la révision de la Constitution, qui a permis à Bouteflika de briguer un troisième mandat, le RCD ne s’est pas contenté d’un simple boycott, il a aussi décidé de geler ses activités politiques. Cela ne l’a pas empêché de commémorer le vingtième anniversaire de sa création, le 20 février 1989, avec la communauté algérienne de France. Pour la circonstance, Saïd Sadi a fêté l’événement, le 8 mars, à la salle CFDT de Belleville, à Paris, avec pour invité Sid Ahmed Ghozali, ancien Premier ministre, aujourd’hui opposant notoire à Bouteflika. Au cours de cette rencontre, Saïd Sadi a affirmé que « la disqualification du scrutin présidentiel du 9 avril est un devoir civique », lançant ainsi la campagne du boycott actif. L’autre parti qui dispose d’une implantation significative dans les milieux de l’émigration est le Front des forces socialistes (FFS, de Hocine Aït Ahmed), partisan, lui aussi, de l’abstention. Mais sa campagne néglige quelque peu la diaspora.

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En face, l’administration multiplie les rencontres avec le mouvement associatif pour contrer les appels au boycott. Dans une conférence de presse accordée aux correspondants des médias algériens en France, Missoum Sbih a affirmé, le 13 mars, que la chancellerie se borne à assurer les meilleures conditions pour un bon déroulement du vote tout en encourageant les bonnes volontés.

Spots télévisés

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Quant aux candidats, leur intérêt pour le vote de la diaspora dépendra des moyens dont ils disposent pour financer leur campagne. Si aucun des six prétendants n’envisage de tenir un meeting électoral en dehors du territoire national, chacun des six états-majors de campagne comprend une structure spécialement chargée de l’émigration. La rédaction des programmes électoraux englobe des volets consacrés à cette communauté. Le candidat Abdelaziz Bouteflika a choisi Mohamed Ghoualmi, ancien ambassadeur (Rabat et Paris) et actuel conseiller diplomatique d’Abdelkader Bensalah, président du Conseil de la nation (Sénat), pour diriger sa campagne en France. Mohamed Ghoualmi doit superviser l’installation des multiples comités de soutien à la candidature du président sortant, puis organiser la campagne proprement dite. Les cinq autres candidats misent, eux, sur les spots télévisés spécialement conçus pour la diaspora que diffusera Algerian TV durant la campagne électorale, entre le 19 mars et le 6 avril. 

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