Dossiers chauds et ambitions cachées
Pour le quinzième anniversaire de l’Union économique et monétaire ouest-africaine, les chefs des États membres se réunissaient dans la capitale burkinabè. L’occasion de dresser le bilan des années passées, de définir les chantiers à venir et d’évoquer, en coulisse, les crises du moment.
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S’ils n’ont pas jugé bon de se rendre à ses obsèques, les chefs d’État et de gouvernement de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) ont tenu à rendre hommage à leur collègue assassiné, João Bernardo Vieira, lors du 13e sommet de l’institution, le 17 mars à Ouagadougou. Le président en exercice, Blaise Compaoré, a ouvert les travaux en faisant observer une minute de silence en mémoire de celui qui a permis l’intégration de la Guinée-Bissau à la communauté régionale, en 1997. Mais, au nom de la Realpolitik, les leaders de l’UEMOA n’ont pas pour autant ostracisé le président intérimaire, Raimundo Pereira. Celui-ci a d’ailleurs été reçu en audience par le chef de l’État ivoirien, Laurent Gbagbo, la veille du sommet, dans sa suite de l’hôtel Libya. Pereira a exposé ses préoccupations immédiates : il a besoin d’urgence de 2,5 milliards de F CFA pour organiser l’élection présidentielle – dans un délai de soixante jours, comme le prévoit la Constitution – et de 5,6 autres milliards pour combler un déficit budgétaire chronique. Deux conditions pour obtenir la signature avec le Fonds monétaire internatio nal (FMI) d’un programme de relance d’un montant de 100 milliards de F CFA. « Nous devons exiger des garanties de ce pays pour qu’il engage des réformes de fond », prévient néanmoins Soumaïla Cissé, le président la Commission de l’UEMOA. Plus de 80 % des recettes de la Guinée-Bissau sont actuellement consacrées au paiement des 13 000 fonctionnaires, dont la moitié sont des soldats. « Sans élection transparente ni volonté de réformer et de lutter contre le trafic de drogue, la communauté internationale coupera ses vivres », poursuit un participant au huis clos. Une pilule amère que le président intérimaire devra faire avaler à une hiérarchie militaire capable de tous les coups pour conserver ses privilèges.
Négociations ivoiriennes
Autre dossier brûlant abordé à Ouaga, celui de la Côte d’Ivoire. Si le compte rendu final se contente de simples encouragements aux protagonistes, les négociations, en marge du sommet, sont allées bon train. Se trouvaient dans la capitale burkinabè, outre le chef de l’État ivoirien, le Premier ministre Guillaume Soro, le général Bakayoko, chef d’état-major des Forces nouvelles, et plusieurs de ses commandants, officiellement au repos dans la capitale burkinabè. L’accord de Ouagadougou achoppe actuellement sur le retour des préfets dans la zone sous contrôle des ex-rebelles. La passation de service a été une nouvelle fois reportée, le 4 mars dernier.
Les FN accusent le ministre de l’Intérieur, Désiré Tagro, de faire traîner volontairement le processus. Mais ce n’est pas l’analyse de tous à Ouagadougou : « On avance très péniblement. Les “comzones” ne souhaitent lâcher ni leurs prérogatives militaires ni leurs avantages financiers. Ils font donc monter constamment les enchères, explique un diplomate ouest-africain. Le Premier ministre ne peut s’opposer frontalement à leurs demandes sous peine de perdre toute légitimité. Il pense aussi à son avenir politique, et le président Gbagbo l’a compris depuis longtemps. » De bonne source, Soro aurait par ailleurs tenté de convaincre le facilitateur, Blaise Compaoré, de proposer la création de quatre grandes zones militaires dans le Nord, au lieu de dix actuellement, avec à leur tête quatre chefs des FN placés sous l’autorité du Centre de commandement intégré (CCI) regroupant les deux états-majors.
ATT à la manœuvre
Dans l’espace UEMOA, d’autres jouent également leur destin ou préparent celui de leur dauphin. C’est le cas du président Abdoulaye Wade, qui n’a pas fait le déplacement au Burkina pour se consacrer aux municipales sénégalaises – son fils, Karim Wade, est candidat à la mairie de Dakar. Autre absence remarquée, celle du chef de l’État nigérien, Mamadou Tandja, confronté depuis plusieurs mois à des troubles intérieurs et dont les partisans cherchent à prolonger le mandat. Tous les autres chefs d’État en exercice étaient présents, notamment le Béninois Yayi Boni dont on attendait les retrouvailles avec son compatriote Abdoulaye Bio Tchané, président de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD), à qui le camp au pouvoir prête l’intention de se présenter à la prochaine élection présidentielle, en 2011. L’hypothèse de cette future confrontation n’a pas manqué de susciter des commentaires. Yayi Boni était d’ailleurs président de la BOAD lorsqu’il se lança à la conquête du pouvoir en 2006.
Le président béninois et son homologue togolais, Faure Gnassingbé, qui pouvaient légitimement espérer la présidence tournante de l’Union, devront attendre. Le poste a été attribué à Amadou Toumani Touré. Le président malien, qui achève son deuxième et dernier mandat à la tête de son pays, n’a pas manqué de remercier chaleureusement son prédécesseur et ses pairs. Ils lui permettent ainsi d’obtenir de la visibilité, dans la perspective de briguer, plus tard, une haute fonction au sein d’une organisation panafricaine ou internationale.
Sa nomination ne manquera pas non plus de relancer les spéculations sur la candidature de Soumaïla Cissé à l’élection présidentielle de 2012. Celui qui préside la Commission de l’UEMOA est également le leader de l’Union pour la république et la démocratie (URD), qui compte vingt-sept députés à l’Assemblée nationale malienne. Cissé achèvera son mandat régional en 2011, soit un an avant le scrutin malien. Déjà candidat à la succession d’Alpha Oumar Konaré en 2002, il avait été battu par ATT au second tour…
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