Mir Hossein Moussavi
Candidat à l’élection présidentielle iranienne
Mir Hossein Moussavi aura fait durer le suspense jusqu’au bout. L’ancien Premier ministre iranien, 67 ans, qui fut l’un des personnages clés de la Révolution islamique et l’un des plus proches collaborateurs de l’ayatollah Khomeiny, est donc sorti de sa retraite politique le 10 mars, après une éclipse de vingt ans. Il sera candidat à la présidentielle du 12 juin 2009, avec pour mots d’ordre « changement » et « liberté ». Son action à la primature, entre 1981 et 1989, date à laquelle le poste fut supprimé, lui vaut encore aujourd’hui l’estime et la considération des Iraniens toutes obédiences confondues. Car Moussavi a tenu les rênes de l’économie pendant les années noires de la guerre contre l’Irak. Cet architecte cultivé, qui s’exprime avec aisance en arabe et en anglais, a laissé une image de technocrate intransigeant mais efficace.
Le retour de Moussavi n’est pas à proprement parler une surprise, l’hypothèse ayant été évoquée avec insistance depuis des semaines. Il bouleverse néanmoins la carte politique iranienne. Et a déjà fait une (illustre) victime collatérale : Mohamed Khatami. L’ancien président réformateur (1997-2005), qui s’était déclaré début février, a aussitôt annoncé qu’il jetait l’éponge « pour éviter un éparpillement des voix réformatrices ». Khatami, qui rechignait à redescendre dans l’arène, avait fini par céder aux appels de ses partisans, qui l’avaient persuadé qu’il représentait la meilleure chance de victoire du camp modéré face à Mahmoud Ahmadinejad. Le président actuel, bête noire des Occidentaux, n’a pas encore officiellement fait connaître ses intentions, mais à Téhéran, personne ne doute qu’il sera candidat. Et qu’il bénéficiera de l’appui d’un système resté aux mains des ultraconservateurs.
L’accueil très hostile réservé aux premières sorties publiques de Khatami après l’annonce de sa candidature et l’entêtement de l’autre candidat réformateur, Mehdi Karoubi, décidé à se maintenir, semblent avoir plombé les chances de l’ancien président. Et précipité le come-back politique de l’ex-Premier ministre. Né en 1942 à Khameneh, près de Tabriz, et issu de la minorité azérie (24 % de la population), Moussavi a milité dès les années 1970 au sein de l’Association des étudiants islamistes, ce qui lui a valu d’être arrêté par la Savak, la police politique du chah, en 1974. Devenu membre du comité central du Parti de la République islamique au lendemain de la révolution de février 1979, il est nommé ministre des Affaires étrangères en septembre 1980. Il passe pour un partisan d’une certaine ouverture diplomatique. Un an plus tard, il est proposé au poste de Premier ministre par le président de l’époque, Ali Khamenei, l’actuel Guide.
Il abandonne ses fonctions après huit ans de bons et loyaux services, et quitte la lumière. Mais pas le sérail : il intègre le Conseil de discernement, l’instance suprême d’arbitrage, et devient conseiller des présidents Rafsandjani, puis Khatami. Durant toutes ces années, Moussavi observe la plus grande discrétion et n’accorde aucune interview. Peintre à ses heures, ce fin lettré dirige depuis 1998 l’Académie iranienne des arts. Proche des réformateurs sans en être, les observateurs le définissent plutôt comme un conservateur modéré. Son pedigree de révolutionnaire ne souffre aucune contestation. Il est un des rares dirigeants que Khomeiny ait jamais tutoyé et appelé par son prénom. Une invalidation de sa candidature par le Conseil des gardiens, l’équivalent iranien du Conseil constitutionnel, entièrement inféodé aux ultras, paraît inconcevable. La confiance qu’il inspire au Guide, Ali Khamenei, avec lequel il a travaillé en étroite collaboration, constitue un autre atout. Il peut apparaître comme l’homme du compromis, et son expérience – il a été chef de la diplomatie à un moment critique, en pleine crise des otages américains – devrait lui permettre de répondre à une éventuelle offre de dialogue émanant du président des États-Unis, Barack Obama.
Reste une inconnue, de taille : sa popularité. La plupart des analystes estiment que sa base politique est plus étroite que celle de Khatami, donné favori par les sondages. C’est peut-être dans les vieilles marmites qu’on fait les meilleures soupes, encore faudrait-il que les électeurs, jeunes et désenchantés, en soient convaincus. Car une abstention massive ferait le jeu des ultras, plus prompts à mobiliser leur clientèle. Et favoriserait à coup sûr les desseins d’Ahmadinejad. Une chose est sûre : les jeux ne sont pas faits.
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